mercredi 31 décembre 2014

Voeux

Assis au comptoir d’un café, bien au chaud, je pense à toi, à la chaleur de ton corps que prochainement je serrerai contre le mien. Une fin d’année sans toi est un peu triste, mais de te savoir là dans quelques jours rends ces instants moins amers. Puisses-tu passer avec joie ce nouvel an, c’est tout ce que je te souhaite.

De mon côté je ne peux m’empêcher de penser à ma tumeur qui grossit et espère sincèrement qu’ils pourront appliquer la radiothérapie et que cette dernière, souhaitons-le, soit efficace. Il m’est insupportable de me penser comme une charge pour toi, ce que je suis déjà malheureusement, et puisque je ne peux plus être ni faire ce que je souhaiterai pour toi, je prends donc le parti d’essayer de faire ce que je pourrai faire pour toi dans l’avenir. J’espère juste ne pas devenir un légume, un tas de chair installé dans ta demeure, inerte, inactif, telle une viande morte.

Je t’embrasse de tout mon cœur.


(31 décembre 2014)

jeudi 25 décembre 2014

Hommage à Cynthia

Au fur et à mesure du temps elle est devenue ma colonne vertébrale, bien avant mes amis, bien avant ma famille. Qu’elle soit absente ou non physiquement, elle est là chaque jour, en moi, dans l’esprit et dans le cœur.

Aujourd’hui le ciel était parfois bleu. On le distinguait entre quatre nuages plus ou moins noires, nuages qui passaient, rendant ainsi très agréable le moment présent. Cynthia est ce ciel bleu qui m’habite entre les divers nuages qui encombrent mon corps et mes idées. Écrire sur elle, rédiger pour elle, est à chaque fois un hommage que je lui rends. Je vénère sa fidélité, ses engagements et sa manière de prendre en main sa vie. De moi, elle n’a plus rien à apprendre. L’essentiel, elle le connait désormais et plus elle avancera dans la vie, plus elle sera apte à faire la part des choses, à ordonner ce qui doit l’être en des étapes sages, car je ne doute pas de sa sagesse naturelle qui, parce que la vie le veut ainsi, la confrontera encore à de nouveau défi, de nouvelles disconvenues. Puisse-t-elle avoir assez de temps pour s’échapper parfois, refaire le plein, puiser la force dans ce qu’elle croit et dans ce qu’elle aime, car si telle était sa trajectoire, rien ne pourrait l’abattre.


(25 décembre 2014)

mercredi 24 décembre 2014

Combat

Installé face aux divers médecins qui me suivent, dans leur antre, leur cabinet, je me débats contre la mort, ne sachant où lancer mon corps, comment diriger mes bras et, surtout, comment contrôler ma pensée. Elle part dans tous les sens, du plus sensé au plus tragique, de l’espoir au désespoir, celui de la fin annoncé, inévitable et si proche. Je ne vivrai pas encore dix ans, pas même cinq, peut-être une année ou deux si mes cellules cancéreuses prennent quelques mois de vacances, ce dont je doute évidement. Elles sont là, réveillées, pour me ronger, me grignoter à petit feu jusqu’à ce qu’il ne reste plus que cendre de mes neurones et de je ne sais quelles autres parties de mon corps. Mon cancer se généralisera, à l’image de ce qui semble se passer pour ma belle-mère. Comment ne pas devenir fou ou folle face à ce tsunami qui déferle sur vous sans plus vous laisser le temps de respirer, reprendre votre souffle, tenter une ou deux brasse entre deux suffocations ?

Pour ma part, les calmants sont là en pagaille et j’en use et abuse tant l’angoisse, l’inquiétude, sont profondes, accrochées à l’estomac, chevillées corps et âme à mon être, ce tas de chair et d’organes qui sera pourtant la clé de ma mort. Un par un ils seront attaqués et dans cette lutte à mort entre la chimie, la pharmacopée et la prolifération des cellules cancéreuses, l’issue est déjà jouée.


(25 décembre 2014)

mercredi 10 décembre 2014

Le point de vue

Le point de vue est le pilier de l’identité, ceci est ma profonde conviction. Selon que celui-ci connaitra ou non des variations, voire des changements radicaux, alors nous changeons d’identité. Ceci explique notre évolution aux différents stades de notre vie, pourquoi l’adolescent n’est plus l’enfant qu’il a pourtant été, avec sa propre identité, et ainsi de suite. Si nous n’avions pas le pouvoir de nous souvenir, aucun adulte ne pourrait se reconnaitre s’il assistait à la projection d’un film sur l’enfant qu’il a été. Cet enfant lui paraitrait complètement étranger, comme s’il s’agissait d’une autre personne. Dans la même trame, positiver ou  « négativer » les choses relève du même registre. Là encore c’est le point de vue que l’on façonne, que l’on modifie, auquel nous donnons une inflexion.

A la lumière de cette évidence il m’est bien difficile de savoir quel point de vue adopter pour juger de mon histoire. Est-elle si terrible, tragique ? Ou est-elle détestable, à vomir ? Mais ma vie, comme toute vie, ne se limite pas aux seuls faits que je vous expose. Je n’ai pas toujours été un démon, un insoumis, un hors-la-loi. De même, parmi tous ceux et celles que j’ai côtoyé, l’immense majorité était éminemment respectable. Enfin, en trifouillant bien, même dans mes malheurs je peux trouver des sources d’espoirs, des messages clairs de ma bonté, de ma bienveillance et de ma solidarité. Certes, au premier abord cela peut sembler suspect, mais pourtant c’est bel et bien selon le point de vue que je déciderai d’adopter que mon histoire pourrait être contée de mil façons différentes. Il en va de même de la vision que vous avez de votre propre vie, donc de la vision de vous-même qui n’est autre que votre identité actuelle.


(1 décembre 2014)