lundi 26 octobre 2015

Evolutions

26 octobre 2015


Comme tous les jours où je me lève depuis une semaine, l'état de mon cerveau se dégrade de jour de jour et plus en plus. Déjà, je dors au minimum 14H00 à 16H00 et, systématiquement, j'ai des maux des têtes qui m'obligent à prendre de l'aspirine dès mon lever. De même, il m'est impossible de me concentrer sur quoi que ce soit, car dès que je m'arrête sur quelque chose, des bourdonnements envahissent ma tête, voire la font tourner. De la même façon, toujours depuis une bonne semaine, je suis presque constamment ballonné, nauséeux, et de ce fait, je mange de moins en moins. Ensuite, je me suis aperçu qu'entre mon réveil et mon véritable éveil, il fallait qu'il s'écoule un intervalle d'au moins quatre heure. Entre-temps je suis véritablement dans le gaz et plus la journée avance, a force de parler, de converser, d'écouter en essayant de comprendre ce l'on me racontait, plus je perdais mes facultés langagières, moins je trouvais mes mots, c'était parfois le trou de mémoire complet. Vue cette évolution guère engageante, j'ai hâte de passer le nouvel examen que m'a prescrit le professeur Mazeron, voir ce qu'il en est plus exactement, puis prendre acte de ce qu'il décidera en conséquence.

En attendant, je passe peu de temps avec ma fille, force est de le constater. Effectivement, ne pouvant me déplacer que peu de temps debout, je ne sorts que dans mon quartier, au café, Je peux donc comprendre que ce ne soit pas spécialement un plaisir pour ma fille de m'y accompagner ou de m'y rejoindre. Donc, en règle générale, je lui laisse mon ordinateur le temps que je suis dehors, raison pour laquelle j'écris beaucoup moins, et lorsque je rentre il est souvent aux alentours de minuit. Enfin de compte, il n'y a que quand nous sommes invités chez quelqu'un que nous passons un véritable moment ensemble. D'ailleurs, avant son retour chez sa mère, ma sœur nous invite à dîner mercredi soir. De même, hier nous avons déjeuner chez l'un de mes amis d'enfance qui habite en grande banlieue avec sa famille, Césard. Elle a ainsi découvert sa femme et ses enfants, dont un fille de quinze ans, fille avec laquelle il est convenue qu'elles se revoient jeudi. C'est vendredi que ma fille retournera chez sa mère. Par contre  je lui ai offert un livre, « Le monde de Sophie », un livre d’initiation à la philosophie.

De l'autre côté, je ne cesse de penser à Cynthia, à sa mère et au reste de sa famille. Tous les jours, avec son père, elle passe ses après-midi avec sa mère, dans sa chambre médicalisée. Puisqu'il a été décidé d'arrêter les soins, l'état général se dégrade rapidement. Non seulement elle dort ou somnole la plupart du temps, mais de plus ne se nourrit presque plus, et lorsqu'elle se nourrit, elle ne parvient pas à garder ce qu'elle a mangé. Pourtant elle grossi, gonfle, ce qui est l'effet des tumeurs qui continuent à se développer. Oui, là j'aimerai être au côté de ma compagne. Je ne sais pas si ma présence lui serait d'une quelconque utilité, mais je veux le croire. Aussi j'ai hâte de connaître mon planning à venir sur Paris pour planifier un voyage sur Belfort.

dimanche 18 octobre 2015

Arrivée de ma fille

17 octobre 2015


Ma fille est arrivée depuis près de trois heures, j'ai été la chercher à la gare et c'est avec émotion et plaisir que j'ai redécouvert son visage. Elle a encore changé, grandie, elle même plus grande que moi désormais. Elle a également eu la semaine dernière ses premières règles, des règles douloureuses, bref elle devient une femme, quitte son corps d'enfant tout comme son esprit devient plus mature, plus critique. Elle est donc au début de la construction de sa personnalité et qu'en sortira-t-il dans quelques années, mystère ? En arrivant dans mon quartier, avant de rentrer chez ma mère, je me suis arrêté à « L'affiche » afin de la présenter aux patrons, la patronne est du signe du Bélier, comme ma fille et ma nièce, et j'en ai profité pour prendre un café en terrasse. Là, ma fille s'est aperçue que je m'étais remis à fumer, à sa  grande surprise, m'expliquant qu'elle ne pouvait cautionner cela, surtout que c'était à cause du tabac que j'avais attrapé le cancer. Cependant, elle m'avoua que c'était évidement un souhait égoïste de sa part, que parce que même si je devais mourir tôt ou tard, elle veut connaître le manque le plus tard possible. Je lui expliquai alors pourquoi je ne m'interdisais plus de fumer, lui signifiant que je mourrai de mon cancer du cerveau et non d'un autre type de cancer, que dans mon cas la médecine ne pourrait pas faire grand chose pendant longtemps, car le cancer du cerveau est le plus difficile à combattre et le mien, tel qu'il se présente, n'est pas soignable. Puis, cette courte discussion terminée, nous sommes rentrés chez ma mère. Une fois arrivés, les retrouvailles faites, je suis ressorti prendre l'air, au café exactement, ma fille préférant rester chez sa grand-mère, libre à elle de me rejoindre si elle le désire. De même, le repas qui était prévu chez ma sœur ce soir est reporté à demain soir.

Rapidement, j'ai eu également Cynthia au téléphone. Elle se trouvait avec son père au chevet de sa mère qui était éveillée. A quel point ? J'en saurai plus tout à l'heure, lorsqu'elle me rappellera tout-à-l'heure. Quoi qu'il en soit, elle avait tout de même une bonne voix, c'est que le « spectacle » devait être plus supportable que prévu.


18 octobre 2015

Enfin de compte, ma sœur a reprogrammé le dîner hier soir. Ainsi, ma fille et moi avons passé la soirée chez elle jusqu'à deux heures du matin. C'est un ami de ma nièce qui nous raccompagna chez ma mère en voiture et sur le trajet nous entrâmes en collision avec une autre véhicule, véhicule en tort. Le temps de faire le constat et d’arriver dans mon quartier, il était trois heure du matin. Immédiatement je me mis au lit, mais le plat que nous avait préparé ma sœur étant très épicé, j'eus de régulières nausées toute la nuit et, vers 7H00 du matin, cela me conduisit aux toilettes. Ensuite je dormis jusqu'à 16H00, mais ce n'est qu'à peine maintenant, il est 21H15, que mon esprit commence à s'éveiller. Ainsi, depuis mon réveil, je suis immédiatement sorti, Tony et ma fille m'ayant rejoint au café une heure après. Puis Tony et ma fille rentrèrent, tandis que je restai au café. Après, passant devant la terrasse où je suis installé, je vis José, l'interpellais, et nous bûmes un verre ensemble. José, c'est celui qui me permit financièrement de rencontrer Cynthia à l'époque. C'est en me prêtant de l'argent, argent que je ne lui ai toujours pas rendu d'ailleurs, que j'ai pu acheter mon billet de train pour aller à Lyon et, une fois sur place, avoir quelque liquidité pour le strict minimum nécessaire. Avec Tony, il était celui avec lequel je passai presque toutes mes soirées et c'est d'ailleurs Tony qui me l'a présenté. A présent José est rentré dîner chez lui et ma fille vient de m’appeler pour me signaler qu'elle venait rejoindre car elle s'ennuyait à la maison. Donc je l'attend.

vendredi 16 octobre 2015

Loin de l'ennui

16 octobre 2015


Couché vers une heure du matin, réveillé à 18H00, je n'ai donc pas vu le jour. Effectivement, lorsque je suis sorti il faisait déjà nuit et là, bien qu'il soit 22H00, j'ai l'esprit toujours endormi, fatigué, et je n'en reviens pas de dormir autant. N'ayant pas envie de parler ou d'écouter, n'ayant pas envie de faire cet effort, je suis dans un café du quartier où je ne connais personne.

Cynthia part demain à Lyon chez son père. Elle va y passer ses vacances afin de voir sa mère, d'en profiter comme elle peut. En parallèle ma fille montera à Paris, j'irai la chercher à la gare, j'ai mis mon réveil afin d'être là à l'heure, de ne pas rester dans les bras de Morphée comme aujourd'hui.

Comme chaque jours j'ai allumé mon ordinateur, ouvert mon logiciel de traitement de texte au cas où je serai inspiré par quelque chose, mais présentement c'est le silence que j'aimerai entendre, voilà ce qui m'inspire et que je ne peux avoir. Alors, comme d'habitude, je pense à ma maladie, je pense à ma mort écrite, programmée à court terme, je l'attends, mais pas dans l’impatience, même si j'ai horreur d'être dans l'attente en général. Non, là c'est une autre forme d'attente que je ne saurai clairement définir. Dans un sens, je suis pressé d'être à la fin de l'histoire, mais de l'autre côté, chaque jour supplémentaire passé ici-bas est un bon moment où je ne m'ennuie pas, même si je ne fais pourtant pas grand chose, ce qui fait que je ne ressens pas d'impatience à précipiter ma mort. Je me contente d'accompagner ma maladie, de marcher à ses côtés, donc avec moi-même, dans mon rythme. A chaque fois que je plonge dans tout cela, je pense irrémédiablement  à Cynthia et me demande comment elle vivra l'après. Oui, je m'inquiète beaucoup plus pour elle que sur mon propre sort qui, au fond, m'importe peu à présent.

jeudi 15 octobre 2015

Avenir

15 octobre 2015


N'ayant pas de nouvelle du professeur Mazeron, celui qui me suit dorénavant à Paris pour mes métastases cérébrales, j'ai donc passé une bonne heure à joindre son secrétariat. Il est donc prévu que je passe une nouvelle IRM, une IRM entièrement sous perfusion, examen que je n'ai jamais passé, et dans la foulée un nouveau rendez-vous avec le professeur. En effet, lui et son équipe veulent s'assurer au maximum que mes tumeurs qui ont grossi sont des radionécroses ou non, toujours des tumeurs cancéreuses ou non. Quoi qu'il en soit, quelques soient les conclusions qu'ils en tireront, il m'a semblé comprendre que j'aurai quand même un traitement, mais de quel nature, je n'en sait rien. J'attends à présent l'appel de la secrétaire du professeur Mazeron chargée de prendre ces rendez-vous.

Cela mis à part, pour la première fois de la semaine, j'ai quitté mon quartier. Oui, j'en avais assez que tout endroit, chaque immeuble, chaque commerce, chaque rue ou avenue me replonge dans un souvenir, un passé plus que révolue où j'ai fait tant de connerie, à commencer, non par rencontrer la mère de ma fille, cela aurait très bien pu s'arrêter là, mais par tout faire pour être en couple avec elle, alors qu'elle, par ailleurs, n'était intéressée que par mon frère, ce que j'ai su très rapidement. Bien évidement, l'ombre de Michel plane complètement sur le trajet que nous avons effectué entre le café où nous avons commencé à  nous empoigner, café situé juste en face de « L'affiche », et le domicile de ma mère, dans cette rue qui mène aux quais de Seine où nous avons fini cette bagarre de poivrots et, ce, irrémédiablement pour lui.

Je  suis donc sur les grands boulevards, près de l'opéra Garnier exactement, à une terrasse de café évidement, fumant un cigarillo tout en prenant des cafés, ne me demandant plus si c'est bien ou mal de fumer, ne culpabilisant plus de le faire d'ailleurs, absolument plus. Là, je pense à ma belle-mère et hésite à appeler mon beau-père. Pourquoi ? Parce que je sais ce qu'il va me dire et, pour moi, c'est une frustration de ne pas pouvoir être à ses côtés. Vous dire pourquoi, je ne le sais exactement. Je le vois chaque jour seul, du matin au soir, passant tous ses après-midi auprès de sa femme qui dort, qui ne sait même pas qu'il est là, et lorsqu'elle se réveille, c'est toujours pour un court instant, vite elle replonge dans le sommeil, elle n'a forcément plus la notion du temps. A présent, lui et ses filles en sont à se demander de quelle façon elle va mourir et quand, toutes questions que je ne me pose pas. Est-ce dire que je me désintéresse de son sort ? Oui, de la même manière que je me désintéresse de mon sort, puisque ces derniers sont connus, seul le timing est différent. La seule chose qui ne me laisse pas indifférent est la souffrance physique que peut générer cette maladie vicieuse, mais comme les médecins ont décidé d'arrêter les soins pour ma belle-mère, je pense que dorénavant ils n'hésiteront plus à mettre la dose pour qu'elle ne souffre pas. Aussi, comme dans mon cas, je pense à ceux qui vivent encore, dont l'avenir est encore grand ouvert, y compris pour le père de Cynthia. Lorsque l'on a compris que nous étions entrain de tourner la dernière page de notre histoire, on ne regarde plus notre mort et la mort des autres de la même façon,  il n'y a plus de tragique dans cette affaire, il n'y a que le cours naturel des choses qui se déroule, que l'on le trouve juste ou non. Toujours, instinct de survie puissant oblige et surtout depuis que l'homme à commencé à maîtriser son environnement, depuis les progrès spectaculaires de la médecine ces deux derniers siècles, l'homme n'a qu'un seule réelle quête, celle de dominer la mort, au point d'oublier qu'elle existe, surtout lorsqu'il s'agit de la nôtre ou de celles de nos proches. Du coup nous vivons comme si nous étions immortels tant que nous sommes en bonne santé et il faut ce rappel à l'ordre naturel pour nous faire redescendre sur terre, différemment selon que l'on est le mourant ou l'entourage.

Il est à présent et, histoire de marcher un peu, j'ai remonté le boulevard jusqu'en haut de rue Saint-Denis, rue célèbre dans le temps par la collectons de prostituées qui la jalonnait. Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui, je le saurai en la redescendant pour aller prendre mon bus, près du Châtelet. Lorsque j'étais adolescent, je ne sais combien de nuits blanches j'ai passé à errer dans ce coin de  Paris, fasciné par ses femmes qui faisaient ce métier et par ceux qui les abordaient. Il n'est pas loin de 20H00 et je ne sais si je vais passer voir mon pote Martial dans son café ou non lorsque j'arriverai au Châtelet. A l'instant, Tony vient de m'appeler et nous devons nous rejoindre à « L'affiche » pour 21H00, histoire de boire un café ensemble. Donc je vais m'arrêter là pour aujourd'hui afin d'être à l'heure.

Tony n'étant pas l'heure, j'ouvre de nouveau mon bloc-note. Pour y raconter quoi ? Mystère. Je pense à ma fille qui arrive dans deux jours. Le soir-même nous dînerons tous en famille chez ma sœur. Je pense également à mon IRM. Quand aura lieu le rendez-vous ? A la Saint-glinglin ou rapidement ? Et après, le rendez-vous avec le professeur sera fixé pour quand ? Oui, je me pose ces question car depuis mi-août aucun soin n'a été entreprit et mes deux de mes tumeurs ne cessent de grossir pour autant. Aussi, je me demande à quel stade il faut être dans sa tête pour que le professeur juge cela critique, car en l'état, on ne peut pas dire qu'il l'air pressé de résoudre le problème au plus vite, du moins c'est mon point de vue.

mercredi 14 octobre 2015

Rencontres

13 octobre 2015


Demain matin j'irai avec ma mère aux service sociaux de la mairie pour faire une demande de logement. Ce sera le début d'un long parcours administratif où, à tout les coup, il manquera toujours un document.

Sinon je dort toujours autant et, dehors, le temps se rafraîchi de plus en plus. En plus, aujourd'hui il y a du vent qui souffle, ce qui n'arrange guère le climat.

Tout à l'heure j'ai bu un café avec Tony Nous avons parlé de nos maladies respective et de notre attitude face à elles, face à la vie et la mort. Comme bien souvent sur des sujets, nous n'avions pas du tout la même approche. Lui veut combattre, se donner toutes les chances de durer, tandis que moi, croyant peut-être à tort que la maladie m'emportera rapidement, un an ou deux, je me laisse vivre à présent, n'éprouve aucun remord de fumer à nouveau, ce qui, dans le regard de Tony que je trouve juste, est comme manquer de respect aux médecins qui font tout pour nous guérir, voire nous faire durer le plus longtemps possible.



14 octobre 2015

Il va être bientôt 17H00, j'ai encore dormi toute la nuit, toute la matinée et une bonne partie de l'après-midi. Du coup je ne suis pas allé à la mairie retirer ma demande de logement. Enfin, histoire d'être tranquille, je ne suis pas à « L'affiche », mais dans un autre café du quartier, là où je ne connais personne. Ainsi, s'il me prend l'envie d'écrire, nul ne me perturbe.

Depuis vendredi dernier, date de l'arrêt de mon antidépresseur, je sens de jour en jour son effet se dissiper. A nouveau je sens le monde plus réel, je l'éprouve et m'éprouve plus lourd, comme si mes pas pesaient une tonne sous le poids de son absurdité, de sa stupidité et, surtout, de sa cupidité. Franchement, j'ai hâte de partir, même si cela me fait quand même un peu peur. Hier, justement à « L'affiche », j'ai fait la connaissance de Pierric, un normand. Aujourd'hui même il enterre son père, mort d'un cancer du cerveau. Ce dernier a été suivi à l'hôpital où je vais être suivi et, entre la découverte de ses tumeurs et sa mort, il s'est écoule cinq ans. Étrange coïncidence que Pierric et moi nous soyons rencontré. Il m'a posé plein de question sur la manière dont je vivais mon cancer et, lui et les autres, car nous formions un petit groupe, ont tous été surpris par ma réponse, à savoir que j'attendais ma fin avec de plus en plus de sérénité, que je ne ferai rien pour me battre jusqu'au bout, malgré que les gens qui m'aime désirerait tout le contraire. Du coup tout le groupe, chacun son tour, donna son point de vue sur la manière dont il fallait affronter cette maladie, dont il fallait la vivre, et presque tous, voire tous, ne concevait pas qu'il fallait baisser les bras, une notion qui n'a plus aucun sens pour moi. Baisser les bras, combattre, lorsque nous savons nous jours comptés en semaines ou en mois, qu'est-ce que cela signifie ? Nous ne pouvons prendre les jours que comme ils viennent, vivant au rythme de notre maladie, de notre corps, des répits qu'elle nous offre ou de ses emballements.

dimanche 11 octobre 2015

Attente

11 octobre 2015


J'ai encore dormi toute la journée, de minuit à 17H00. Il est 21H00 à présent, je suis dehors depuis près de deux heures, mais pas réveillé pour autant. Je suis toujours dans ma même pensée, comme bloqué face à elle, ce qui ne me dérange absolument pas. Je pense sans réellement y penser, sans réfléchir dessus, à ma maladie, attendant patiemment mon dernier jour. Tout à l'heure, une amie de ma mère me demandait si je voulais vivre ou mourir. Clairement, de suite je lui répondis que j'avais hâte de mourir. Je vis que ma réponse la surprenait, mais c'est ainsi que je l'éprouve.

Sinon Paris me fatigue vraiment, ne me donne qu'une envie ; fuir cette ville où le silence n'existe pas. Cependant cela ne m'empêche pas de focaliser sur mon cerveau, mes tumeurs, la peur qui se dissipe chaque jour un peu plus face à mort prochaine. Je contemple tout cela comme d'autres regardent une série. Je ne pense à rien, ne fait que regarder, et quoi que je regarde, tout me semble futile parce qu'éphémère. Du coup je m'attarde sur rien, personne, et même sur ma maladie ne m'intéresse plus, son fonctionnement, sa prise en main par la médecine, tant je pense que le  tour est joué en ce qui me concerne. Ainsi, la seule chose qui me surprend encore, c'est d'être toujours là, vivant aujourd'hui, et ce simple constat suffit à me faire passer une bonne journée. Il ne peut y avoir de meilleure nouvelle pour moi et même si dans cette journée je connais des désagréments, ils font « pschitt », s'évapore presque aussi vite qu'ils sont apparus et, vite, je les oubli.

Enfin de compte, la seule gêne que j'éprouve avec ce cancer, bien plus que mes handicaps intellectuels ou moteur, c'est mon essoufflement quasi permanent. Dés que je prononce un phrase, dès que j'ouvre la bouche, d'entrée de jeu je suis dans l’essoufflement. C'est la même chose dès que je bouge, quoi que je fasse, que je me lève, que je  m'habille, que je marche ou que je porte quoi que ce soit. Enfin, bizarrement, dès que je me concentre pendant un moment, je sens littéralement mon esprit essoufflé,  au même titre que mes poumons, et je dois interrompre ce que je fais. Je regarde alors le ciel, récupère. C'est comme si  la concentration bouffait tout l'oxygène qui circule dans mon cerveau et, à moment donné, arrivant près de la rupture de stock, je n'ai d'autre choix que de le reconstituer. Pour se faire, il me faut facilement entre quinze et trente minutes.

Sinon, je pense chaque jour à Cynthia à qui je n'ai plus rien à dire, comme envers Tony. Autant j'apprécie de sentir leur présence physique, autant, paradoxalement, leur absence ne me manque pas. Me dire à moi-même, vouloir me faire croire à moi-même le contraire, serait me mentir et vous mentir. Oui, je ne peux plus me leurrer, et en cela c'est un changement radical de ma personne, l'absence des êtres qui m'étaient chers n'est plus un manque, ma fille incluse. Je ne tire pas de conclusions de tout cela, je constate et ne vois plus l'intérêt de me demander pourquoi j'évolue ainsi.

samedi 10 octobre 2015

La vie continue

9 octobre 2015


Dehors depuis 11H00, il est à présent 15H30, je suis dans le centre de Paris, Aux Halles exactement, et rien ne m'inspire. Non je remarque depuis mon arrivée que plus aucun endroit ne m'inspire, ne m'aspire. Dire que je m'ennuie ne serait pas loin de la vérité, mais rester à ne rien faire ne me dérange pas non plus.

Parce qu'il fait frais à l'ombre, je suis installé au soleil et, si j'étais à la plage, je ferai une sieste. Tout cela pour vous dire que mon environnement ne m'incite pas à être actif, loin de là. D’ailleurs, si je m'écoutais réellement, je rentrerai chez moi faire une bonne sieste. C'est peut-être ce que je vais faire...

Depuis tout à l'heure, je suis dans la question que le médecin qui s'occupe de la mère de Cynthia a posé à toute sa famille. Si elle fait un arrêt cardiaque ou une suffocation, faudra-t-il la réanimer ou non ? Son père ne veut pas se prononcer, Cynthia est contre l’acharnement thérapeutique. Personnellement je partage le même point de vue qu'elle et, lorsque viendra mon tour, je veux qu'une décision similaire soit prise, je ne veux pas de réanimation, je ne me veux pas que l'on me réveille ou que l'on me fasse survivre si mon corps en a décidé autrement.

A présent il est 19H30, je suis de retour dans mon quartier, « A l'affiche » avec Tony depuis un peu plus d'une heure. Nous venons juste de nous quitter et, pour la première fois depuis mon arrivée à Paris, nous avons eu une conversion profonde, notamment sur nous trajectoires respectives et sur le rôle, l'importance ou non des parents, à partir de quand l'on peut considérer quelqu'un comme adulte, etc. Sur le rôle que je juge essentiel de notre environnement, nous n'étions pas d'accord. Lui estime qu'il arrive un jour où nous devons nous prendre en main et, à partir de là, nous sommes responsables de tout ce qui nous arrive, notre environnement n'étant que quantité négligeable.

Là, maintenant que ma tête est un peu plus réveillé, j'ai envie de m'attarder sur moi et ma maladie, mais sur quel point, que angle ?


10 octobre 2015

Aujourd'hui je me suis levé à 17H00. A présent il est 21H00, Tony vient de m'inviter à dîner et est rentré chez lui maintenant. Je ne suis pas réveillé, vraiment pas, et je pense que je ne vais pas tarder à aller me recoucher. Rien ne m'inspire, vraiment pas, hormis de me savoir à l'air libre, non enfermé entre quatre murs. Cependant, le bruit sonore parisien ne me permet pas de poser mon esprit, de réfléchir tranquillement, calmement. Aussi je regarde les voitures passer, quelques piétons marcher, et sens la fatigue toujours présente en moi.

Constatant à quel point je peux dormir, je m'interroge sur l'évolution de mes tumeurs. D'une part je me dis que le fait d'être suivi à Paris n'accélère pas le processus de soin et, d'autre part, que pendant ce temps mes tumeurs continuent à grossir, appuyant certainement sur des aires ou créant un dysfonctionnement sur les fonctions qui régulent le sommeil.

En ce moment, chaque soir je m'endors avec un documentaire en fond sonore, un documentaire anthropologique sur la naissance et l'évolution de notre espèce. Je les écoute tel que je regarde les gens autour de moi, qui qu'ils soient, comme ne me sentant plus concerné, comme appartenant à un monde complètement distincte, celui du passage, de la transition, de l’éphémère où je n'ai fait que transmettre le témoin en participant à la naissance d'un enfant et, ceci fait, mon utilité dans l'existence est ainsi close. C'est comme si, ayant fait ce pourquoi j'ai été moi-même fait, bien au-delà de la volonté de mes seuls parents, à savoir faire perdurer notre espèce à travers la reproduction, il n'y avait plus rien d'essentiel. Peut-être que si je participais activement à l'éducation de ma fille, à sa survie jusqu'à ce qu'elle soit autonome, je verrai les choses différemment, peut-être, mais en l'état je ne me sens plus participer de l'histoire de quiconque, ne le désire même plus, me sens en dehors des choses, comme absent de notre monde, sans plus de responsabilités quelconques, n'en voulant plus d'ailleurs, et attendant que le destin qui en a décidé ainsi en ce qui me concerne m'emporte une bonne fois pour toute dans la mort. Ainsi, en écoutant chaque documentaire le soir pour m'endormir, je me sens faire partie d'un grand tout, un misérable bout de la chaîne de l'évolution de notre espèce, c'est à dire rien ou presque, l’ego disparaît complètement ou presque, ce qui me permet de ne plus me sentir concerné par quelqu'un ou quelque chose en particulier, tout m'apparaissant, au final, insignifiant. Cet un état d'esprit étrange, état que je découvre un peu plus chaque jour, plus profondément, et aujourd'hui je sais que je pourrai vivre en ermite, c'est à dire sans plus de relation avec quiconque, ce qui aurait été impensable auparavant.

Cynthia pense que parce que plus grand chose ne m’intéresse, parce que je n'ai  plus envie d'échanger, je suis triste ou morose. De même, elle pense que l'approche la mort m'attriste également. Certes, cela m'a traversé une ou deux fois, mais c'est vite repartit. Non, je ne suis ni triste ni déprimé, raison pour laquelle j'ai arrêté de prendre mon antidépresseur, j'ai tout simplement accepté la plate réalité, que nous ne sommes là que pour un laps de temps, peu importe pour combien de temps, car le temps ne compte que pour les vivants, pas pour ceux qui sont morts ou qui sont certains de leur mort proche, tel que c'est mon cas. Donc j'essaye de profiter pleinement de chaque jour, évite de ressentir l'ennui, ce qui ne m'est guère difficile, il me suffit de marcher un peu, de changer de café et le tour est joué. Je ne pas ce que Cynthia s'imagine de ce qui se passe dans ma tête, de ce que j'en éprouve, mais je pense qu'elle est complètement à côté de la plaque, comme tous mes proches, à l'exception de Tony qui connaît cette expérience qui est mienne à présent. Oui, je deviens de plus en plus impassible envers le monde dans sa globalité, envers l'existence, quoi qu'il s'y passe, y compris au sujet de ma fille qui, même si elle ne le réalise pas et l'a moins encore assimilé, intégré, n'est là que pour durée plus qu'éphémère, une goutte d'eau dans l'océan, et dont les histoires et sa construction m'intéressent de moins en moins. Se construire une identité, asseoir sa place dans cette société, toute chose qui ne me parle plus, que je trouve à présent ridicule au possible, cela demandant des efforts non négligeables, mais pour quoi au bout du compte ? Elle le découvrira, comme vous tous d'ailleurs, lorsqu'elle se saura dans la dernière ligne droite, lorsqu'elle sentira charnellement la vie, l'énergie, quitter petit-à-petit son corps, comme un sceau plein d'eau qui se renverse progressivement, plus ou moins rapidement selon l'inclination qu'il a.

vendredi 9 octobre 2015

Ecriture automatique

8 octobre 2015


Quelque soit le sens, l'objectif, sans mo poser nulle question, je vais là où m'entraîne pas pensée. Cela signifiera-t-il quelque chose au final ? Peu importe tant tout est sans sens si l'on n'y réfléchi bien. Cependant je n'ai pas envie de réfléchir, je veux juste me laisser porter par les mots qui font irruptions dans mon esprit, peu importe dans quel ordre, car un final je pourrai trouver un sens à tout cela si bon me semble, s'il m'importe que cela est un sens. Oui, dés que l'on a besoin de trouver un sens à quelque chose, comme le sens de l'existence, nous parvenons toujours à en trouver un, quitte à la modifier mil fois dans notre vie. L'écriture automatique a cela de bénéfique, elle n'autorise pas uniquement le rationnel, ou tout du moins ce qui nous semble rationnel, car d'un individu à un autre, même si les raisonnements sont d'une logique parfaite, ce qui leur apparaît comme rationnel peut parfaitement être aux antipodes. Mais déjà malgré moi j'entre dans la réflexion, à croire que je ne suis pas capable de ne pas raisonner, peut importe ce que valent mes raisonnements. Écrire léger, accepter de ne pas contrôler ma pensée, m’apparaît comme plus fort que moi.

Pourtant, mon cerveau étant considérablement au ralenti, même si je tape avec un seul doigt, je vais plus vite à taper qu'à penser. Là, de suite, je n'ai aucun mot précis, hormis ceux que je viens d’inscrire en tête. C'est quand même une activité cérébrale, la preuve que l'esprit n'est jamais au véritable repos, hormis lorsque nous dormons, mais même là nous n'avons tout simplement pas la conscience de l’activité de ce dernier.

jeudi 8 octobre 2015

Perception de la vie

8 octobre 2015


Malgré une très bonne nuit, je ne me suis levé de mon lit que vers 16H00. A présent il est 21H00, je ne sais combien de temps je vais rester encore dehors. Aujourd'hui je n'ai vraiment rien à raconter sur moi-même, je ne me pose aucune question, je suis juste dans l'attente de la suite de mon aventure médicale.

Ma belle-mère a intégré la maison de repos médicalisée où elle devrait finir ses jours. Mon beau-père a demandé à l'oncologue combien de temps elle lui donnait encore à vivre. Quelques semaines, voici ce que fût sa réponse. Bref, une réponse guère réjouissante, non, mais comme l'a dit Cynthia, à quoi pouvait-on s'attendre d'autre ?

La mort, la maladie est omniprésente dans mon environnement. Avant-hier encore, un épicier de mon quartier, Ali que je connais depuis trente ans, passait des examens cardiologiques. L’après-midi même il était hospitalisé et subissait une intervention chirurgicale afin de lui déboucher deux artères à cause de cholestérol. Il doit repasser sur le billard dans dix jours pour deux autres artères. Quelque part il a eu de la chance, cela a été pris juste à temps, mais immanquablement cela va l'affaiblir. Il en va de même de Tony bien sûr. Même si depuis sa greffe le cancer lui fou la paix, il n'en subit pas moins les complications physiques de cette greffe. Enfin, je vois ma mère dont les forces diminuent fortement, ne plus du tout avoir l'énergie d'antan. Là, c'est l'effet de la vieillesse, elle a 73 ans, et le moindre truc qu'elle chope l'a met KO.  Oui, avant d'avoir mon cancer, je ne voyais qu'une partie de notre monde. Pour moi il n'y avait que de la vie, même si elle était misérable dans mon regard, même si c'était une vie en voie de fin, comme celle de mon grand-père maternelle à laquelle j'ai assisté de jour en jour, après l'opération d'une artère, opération pendant laquelle il a attrapé je ne sais quel microbe ou virus qui a eu reçu de lui. A présent, ce n'est plus ainsi. Quelque soit l'age de l'individu, je ne vois en lui qu'un chemin inéluctable vers la mort, même s'il n'en a pas pleinement ou pas du tout conscience. C'est l'autre revers de la médaille, à la différence que la vie n'est qu'une succession de moments éphémères, temporaires, alors que la mort semble être un moment éternel, qui est et perdure, quelque soit l'état de détérioration de notre corps. Aussi, si hier je voyais la maladie comme surtout handicapante, quelque soit la maladie, je voyais par dessus cette dernière le corps lutter pour vivre, donc la vie à l’œuvre pour perdurer le plus longtemps possible. A présent, je vois la maladie, quel qu’elle soit, comme un facteur de diminution de nos facultés et de notre temps de vie. Bref, c'est plus le processus de mort, sa logique que je vois à l’œuvre, que le processus de vie. La mort, cette énigme, a raison de tout, tôt ou tard.

mercredi 7 octobre 2015

Echéances

7 octobre 2015


Ce matin je me suis levé relativement tôt, aux alentours de 10H00. De même je me suis tondu ma barbe d'un bon mois et, bientôt, ce sera le tour de mes cheveux afin de les avoir à raz. Comme d'habitude, je suis à la terrasse de l'un des cafés de mon quartier, me demandant où j'irai me poser dans Paris cette après-midi. A côté de ma table sont réunis quatre personnes qui discutent d'un projet immobilier. Franchement, les entendre me saoule tant le sujet ne m'intéresse plus. Comme je disais hier à Tony, plus rien ne m'intéresse, hormis la santé des gens dorénavant, mais tout ce qui fait le reste de notre société ne m'intéresse strictement plus. Tony me répondit qu'il en allait de même pour lui, à ma grande surprise. Dernièrement il a réalisé le rêve de sa vie, à savoir acheter sa maison, mais s'est vite aperçu qu'il n'en éprouvait aucune satisfaction, que c'était finalement insignifiant.

A présent je suis dans le quartier du bld Saint-germain, quartier qui jouxte celui de Saint-Michel. J'ai appelé l'hôpital, mais rien n'est programmé pour moi en l'état. Cependant, dès que le professeur et son équipe auront pris leur décision, je serai averti et aurai un nouveau rendez-vous avec lui. J'ai également appelé le samu social pour mon histoire de logement. Ils m'ont conseillé de contacter directement les travailleurs sociaux de la mairie de l'arrondissement où habite ma mère. Je le ferai peut-être demain.

Je repense à l'hôpital et me demande combien de temps cela va durer. De même, pour mon histoire de logement, cela va duré plus longtemps que prévu, qu'au mois de novembre je serai encore là, voire décembre. Du fait de l'incertitude sur ce que projette le professeur et son équipe pour moi, des délais, j'ai l'impression que je ne vais jamais quitté Paris, que je vais passer mon temps à être en soins, que les nouvelles métastases ne vont pas tarder à se manifester, voire se développent en ce moment-même, que je ne sortirai plus de cette naze. De même, concernant mes tumeurs actuelles, les deux qui grossissent, je ne pressens rien de bon, qu'il s'agisse de radionécroses ou non. Ma belle-mère va quitter sa clinique demain pour retourner et ce, certainement définitivement, dans une maison de  repos médicalisée, celle-là même où elle a passé toute l'année. Fini la chimiothérapie, la radiothérapie, les soins sont définitivement arrêtés, stoppés, c'est l'accompagnement vers la mort qui va être de mise dorénavant, avec un traitement pour qu'elle souffre physiquement le moins possible. Quelque part j'aimerai déjà être dans le même cycle, le même parcours, enfin au bout de la route.

Ah, l'existence ! Je ne sais même plus ce que j'en pense, ce qu'il faut en penser tant plus rien ne me parle dans cette vie, ne me parle au point de me prendre aux trips, ne me parle au point d'avoir envie de durer. Même le plaisir, le véritable, il me semble avoir oublié ce que c'était. J'en ai comme un vague souvenir, mais depuis l'apparition de mon cancer, tout sentiment de ce type a disparu. J'éprouve encore quelques contentements, quelques satisfactions, mais plus le plaisir. Du coup je n'éprouve plus la déception, la vraie là-encore, je ne sais plus ce que c'est. Parfois j'ai des insatisfactions, certes, des irritations, mais tout cela est vite balayé, disparaît vite  de mon paysage, car je ne m'attarde plus sur le désagréable. Est-ce à dire que je m'attarde sur l'agréable ? En tout cas je m'y efforce en recherchant le calme, la paix et, la majorité du temps les trouvant. Pour autant cela ne me transporte plus, mais me permet d'attendre avec une tranquillité intérieure ma fin.

mardi 6 octobre 2015

De la mort

6 octobre 2015


Bientôt il sera minuit, un jour que je n'ai presque pas vu se termine, mais je n'ai aucun regret tant je n'apprécie plus les journées parisiennes. Déjà auparavant c'était ainsi, raison pour laquelle j'ai toujours été un noctambule, car il n'est qu'en soirée que le monde se calme un peu, voire s'endort, y compris à Paris.

Aujourd’hui, alors qu'il était convenu avec le professeur de l'hôpital que je recevrai un appel m'informant de mon avenir, rien n'est venu. J'ai donc appelé l'hôpital et me suis entendu dre que c'était normal, qu'entre les dates que le professeur fixait et la réalité, il pouvait s'écouler une semaine, voire deux. Donc demain j'essayerai de joindre sa secrétaire particulière, celle chargée  de nous joindre justement. En fonction, je mettrai en œuvre ou non mon plan pour obtenir un logement social.

Sinon je pense à Cynthia, il n'y pas  une heure qui s'écoule sans que j'y pense, et je regrette de ne pas la voir au moins une heure par jour. Certes, il y a le téléphone, mais ce n'est pas pareil, rien ne remplace la présence bénéfique. J'aimerai qu'elle aille mieux, mais le problème est que je ne sais pas réellement à quel point elle va mal, à quel point c'est tolérable. N'étant pas dans sa tête, moins encore das son cœur, je ne peux que postuler, imaginer, car malgré mon parcours, ma vie bien chargée, je n'ai jamais vécu de situation, d’expérience similaire à ce qu'elle vit depuis deux ans maintenant, comme prisonnière entre un parent et un compagnon mourants, se sentant certainement prise en tenaille entre les deux, et devant désormais prendre complètement en mains sa vie, son destin, oui, tout cela n'est pas une situation simple, même si elle forcément surmontable, il n'y pas d'autre choix dans ce genre de cas, à condition d'accepter que la mort fait partie de la vie au même titre que nous respirons pour vivre. Depuis bien longtemps j'avais la conviction que c'était notre perception de la mort qui faisait notre perception de la vie, non l'inverse, et mon épreuve actuelle ne fait que me renforcer dans mon idée. Même si je ne saurai décrire correctement comment ma perception de la mort, de ma mort et de celles des autres, s'est modifiée, il n'en demeure pas moins clair que j'ai pris la juste mesure à présent de la précarité des choses, à commencer par celle de la vie, que de faire de la métaphysique en long, en large et en travers autour de ce thème ne servait, au final, pas à grand chose.

De l'entourage

6 octobre 2015


Aujourd'hui, suite à une mauvaise nuit, nausée, etc, je n'ai pas arrêté de me réveiller et de me rendormir et ce, jusqu'à 17H30. Une heure après j'étais au café, à moitié dans les nuages, où Tony m'a rejoint. Je ne sais pourquoi, mais il était resté bloqué sur ce que Cynthia avait publié dernièrement sur son blog et se demandait de quoi se plaignait exactement notre entourage, ne se rendant visiblement pas compte qu'ils avaient de la chance de ne pas être en danger de mort, qu'ils devraient justement en profiter, plutôt que de s'apitoyer sur nos sorts. Bref, c'était pour lui une forme de nombrilisme, posant ouvertement la question : pensent-ils notre place plus enviable que la leur ? S'en est ensuivit un débat entre nous où je lui narrait mon point de vue sur la question. Cependant, comme lui, je trouve maintenant stupide que l'autre se ronge le moral et le cœur du fait de notre maladie. Non seulement cela n'aide en rien quiconque, que ce soit de part ou d'autre, mais en plus n'éradiquera rien si cela doit en être ainsi. Aussi, lui disais-je, mon point de vue était qu'il était impossible à une personne n'ayant pas traversé notre expérience de réaliser l'importance de penser à soi, quitte à paraître égoïste au possible, car il n'est qu'alors que nous prenons réellement conscience de ce que signifie la vie, puis vivre, réalisons fondamentalement ce que cela signifie. Comme image, je lui ai donné celle d'une personne qui a toujours été en bonne santé, puis qui tombe un jour malade, une grippe par exemple, cette maladie qui l'handicapera forcément. C'est alors seulement qu'elle comprendra la signification profonde de ce que veut dire « être en bonne santé ». Enfin de compte, auparavant elle était dans l'ignorance, tant de sa condition que de la condition des malades. Certes, intellectuellement, elle pouvait faire la différence entre ces deux états, mais cela ne revient pas à les connaître, ou à se connaître, pour autant. Non, je reste intimement convaincu qu'il y a des expériences qu'il faut avoir vécu pour pouvoir se comprendre et véritablement comprendre l'autre. Si tel n'est pas le cas, surtout face à quelqu'un porteur d'une maladie mortelle, on ne peut qu'être dans le postulat de ce qu'il éprouve, de qu'il ressent, mais quoi qu'il en soit nous sommes à côté de la plaque, inéluctablement. A partir de là, comme on ne peut pas en vouloir à quelqu'un de ne jamais être malade et, donc, d'ignorer ce qu'est la bonne santé et la maladie, je disais à Tony qu'on ne pouvait en vouloir à notre entourage de ne pas comprendre ce que nous attendions d'eux, c'est à dire se prendre en main et continuer à vivre, à construire, seules fleurs, seules pétales, seuls rayons de soleil qu'il peut réellement nous apporter, plutôt que de geindre sur nous ou sur eux-mêmes.

Oui, je pense qu'il y a des expériences impartageables, quelque soit l'empathie que l'on y met. Vous faire voler votre enfant, qu'il soit kidnappé, certes, nous pouvons imaginer la détresse du parent, mais il est clair que nous ne pouvons inventer ce qu'il ressent, que nous sommes là-aussi à mil lieux de ce qu'il vit dans sa chair, dans son cœur et dans sa tête, sauf si on a vécu la même expérience. Donc je n'en veux pas aux gens qui ne me comprennent plus, d'ailleurs je ne l'attend même plus, cela m'indiffère à présent tant je sais que nous sommes dans deux univers mentaux différents, même si cela n'est pas voulu, préméditer ou programmer.

lundi 5 octobre 2015

De la réalité

5 octobre 2015


Cet après-midi je suis dans le quartier Saint-Michel, car vous en douterez j'ai dormi toute la matinée et ne suis réveillé que  depuis deux ou trois heures, le corps bien sûr, mais encore l'esprit. Il est 15H30, il pleut, et je suis attablé dans un bistrot situé pas loin de la fontaine Saint-Michel. Cependant, même si je ne suis inspiré par rien de particulier à part ma maladie, Cynthia, ma fille et le reste de ma famille, je n'ai pas envie de décrire en long, en large et en travers Paris et sa vie. Effectivement, que dire sur Cynthia, ma fille et les autres ?

Cynthia a publié sur son blog hier, cela faisait longtemps que ce n'était pas arrivé, et je trouve que c'est une bonne chose que de sortir de son ventre ce qui nous peine ou nous irrite. Cela permet de mettre les cartes sur la table, de les trier plus simplement, sans les mêler, les brasser constamment, et petit à petit d'avancer, peut-être lentement, mais sûrement, vers des états d'âme plus agréables à éprouver. L’écriture est une forme d'accouchement, je n'en démords pas, toujours. Bien entendu, dans son écrit Cynthia exprimait son insatisfaction de sa condition actuelle et se promettait de tout faire, dans la limite de ce qu'elle peut, pour vivre et non dépérir, ce que je l'encourage à faire de tout cœur, m'oubliant s'il le faut, car j'ai bien compris que nous n'avons qu'une vie, tous, et qu'il ne sert à rien de s'oublier, de se négliger, de se rendre malade pour la vie d'un autre. Le jour où la mort viendra vous cherchez, vous comprendrez que j'ai raison, car rien que vous ne puissiez faire ne peut ôter ce fardeau que nous portons. Au mieux, vous l'allégez par votre présence essentiellement, juste elle, mais ne pouvez guère faire plus.

C'est plus fort que moi, je pense à mon cancer, à  mes tumeurs, celles qui grossissent, les nouvelles qui arriveront inéluctablement, inévitablement, qui me diminueront forcément, un peu plus encore. J’attends également avec une certaine inquiétude l'appel du professeur que j'ai rencontré vendredi dernier. A quelle heure va-t-il appeler ? Quel sera le verdict ? Si radiothérapie il y a encore, quand auront lieu les séances ? Bref, j'ai l'esprit bien encombré par cette histoire, surtout sur l’opportunité d'essayer de m'installer à Paris en conséquence tant, je ne peux qu'en prendre acte, je ne me fais plus à son rythme et à ses nuisances sonores.

Il est à présent 19H00, je suis de retour dans mon quartier, mais dans les coins où je ne connais personne, ne fréquente pas les brasseries, et donc là où je suis sûr d'avoir la paix, de ne pas être dérangé par qui que ce soit. Effectivement, je n'ai envie de rencontrer personne aujourd'hui, exactement comme cela se passe depuis l'année à Rennes et, à présent, à Belfort. J'ai envie d'être incognito, de me rendre invisible, passer inaperçu, bien assis au fond des terrasses de cafés, seul dans mon petit monde mental, monde affectif, monde non réellement partageable avec quiconque dorénavant. Pour autant, le coin n'est pas calme, là-aussi le voitures circulent en nombre et ce n'est que vers 20H30 que cela se calmera, une fois tout le monde rentré du travail. Je ne sais pourquoi, mais j'ai comme envie de pleurer. Est-ce l'effet de l'antidépresseur que je diminue et que j'arrêterai définitivement en fin de semaine ? Est-ce l'effet de me retrouver ici, à Paris, qui plus est dans ce quartier où j'ai vécu pratiquement toute ma vie, ville et quartier qu'il a fallu que je quitte définitivement pour commencer à respirer, à me sentir vivre, quelques soient les divers villes que j'ai habité avec Cynthia ? Car pour moi, même si c'est parce que ma santé, ma vie qui est en jeux, cela raisonne comme un échec. A la limite, plus que de savoir que bientôt je vais mourir, c'est lelieu où cela risque de se dérouler qui me déçoit. Oui, j'aimerai mourir loin de tout ce que j'ai toujours connu, donc loin des métropoles, y compris Lyon qui est pourtant la ville où j'ai recommencé à vivre en rencontrant Cynthia. Enfin, la vie, la mort, je ne sais plus trop quoi en penser, s'il vaut la peine de s'attarder sur ces sujets à présent, car dès que j'y pense, je ne vois que les inepties du monde que nous avons créé, des règles et des valeurs, le plus souvent bidons lorsque l'on se penche sérieusement dessus, qui régissent nos comportements, qui conditionnent comme l'on conditionne les pigeons voyageurs, à coup de récompense ou de punition, nos attitudes, nos formes de pensée, car il est bien évident que rien de tout cela n'est inné chez l'être  humain. Nous naissons le cerveau vide de toute idée, de tout pré-conçus, de toute à-priori, et c'est bien notre environnement qui nous construit, qu'il s'agisse des êtres et de leur idée, convictions, ou des conditions matérielles dans lesquelles nous grandissons. Mais bon, je me répète en étalant ma conception, ma perception de nos sociétés, que ces dernières soient occidentales, orientales, africaines ou asiatiques. Les paradigmes changent d'une civilisation à l'autre, certes, mais tout ce qu'elle propose à leurs bambins, c'est du bourrage de crâne essentiellement et, lorsqu'on a prit l'habitude de penser d'une certaine façon, avec certaines valeurs, que l'on soit plus tard pour ou contre, c'est bien en fonction d'elles que nous réagissons, comme si elles étaient irrémédiablement les tables de la loi, incassables, toujours en arrière-fond, quand bien même nous voudrions les détruire. Ayant été conditionne avec ces tables, à commencer par nos parents puis l'école, les médias, etc, comment s'étonner que nous ne sommes pas capables, du moins jusqu'à un certain âge, de concevoir qu'il existe d'autres tables, pas forcément pires ou meilleures, mais qui peuvent être radicalement différentes, nous démontrant ainsi que la vérité, la réalité, n'est pas forcément là où nous le croyons et que nous devrions faire attention à pas mal de nos convictions. D'ailleurs, toujours dans ma vision des choses, la réalité n'existe pas, du moins la vraie réalité, car si tel était le cas, nous saurions ce qu'est la mort par exemple. Cette méconnaissance n'est pas la moindre, quoi que nous fabulions les uns et les autres, sur la mort du vivant ou sur l'irruption du vivant, irruption qui est également un mystère. Certes, nous pouvons assister en direct à la naissance du vivant, mais nous ne sommes pas pour autant capables d'expliquer le pourquoi de l'émergence d'existences éphémères. Voici ce que nous sommes, tel des papillons, nous sommes des chenilles qui, lorsque nous serons mort, seront aussi différents que la chenille l'est du papillon, c'est plus que clair. Ainsi, du fait de ne pas savoir comment la vie sort du néant pour mieux sembler y retourner par la suite, nous ne pouvons pas savoir pas ce qu'est la réalité, même si à travers le langage il nous semble être d'accord sur certaines choses, certaines définitions, nous donnant l'illusion que nous voyons bien et vivons bien dans le même monde, tout cela n'est que leurre. Pas deux individus ne conçoivent la réalité de la même façon, aussi nombreux soient leurs points de convergences sur l'appréciation de tel ou tel chose. Pourtant, même si cela est mon intime conviction, que tous nous sommes dans l'erreur, que je devrai tout faire pour me déprogrammer, ôter mes convictions et ne me contenter que de croyances, d'hypothèses, rien n'y fait, certaines résistent, elles sont comme les fondations de ce que je suis. Par exemple, parce que j'ai toujours vécu à Paris, le mode de vie de cette ville est ma norme, je m'en rend bien compte, et où que je sois en France ou sur la planète, c'est ma référence et peu importe que j'apprécie ou non cette ville, c'est tout de même par rapport elle que je compare tous les autres lieux, que je les évalue, évaluation totalement arbitraire, mais il m'est impossible de me défaire de ce socle de ma personnalité qui fait que ma perception de la réalité ne peux qu'être différente d'un provincial, voire même tout simplement d'un habitant d'un autre quartier parisien.

Un dimanche

4 octobre 2015


Plus ça va et plus c'est de pire en pire. Aujourd'hui je me suis réveillé à 14H00. Il est vrai que je me suis couché vers une heure du matin, mais je n'en reviens pas de toutes ces heures passées à dormir. Le pire, c'est que même après toutes ces heures dans l'autre ciel, j'ai envie d'y replonger. Il faut que je me force à m'habiller pour vite sortir et, après, je suis néanmoins trois à quatre bonnes heures dans les nuages, mon esprit s'éveillant encore dans un autre rythme. Du coup je me retrouve dans la rue, en plein bruit, et cela assomme mon esprit plutôt que de l'éveiller. C'est pour cette raison que je rentre de plus en plus tard. Certes, le  parfait silence n'existe pas à Paris, mais plus la nuit avance, plus il se manifeste. C'est ainsi qu'hier j'ai quitté le quatorzième arrondissement vers 22H00, pris un banana split dans mon quartier enfin devenu écoutable, terminé de rédiger et publier mon dernier article.

Quoi qu'il en soit, seul mon cancer m’intéresse, je le constate dès que je m'éveille, mais en journée il m'est impossible de me concentrer dessus du fait de l’animation parisienne, y compris dans mon quartier qui n'est pourtant pas, hormis la présence du Trocadéro et du bois de Boulogne, un endroit touristique. Du coup, contrairement à Rennes ou Belfort où l'environnement ne me fatiguais pas, ici c'est tout l'inverse. Aujourd'hui je voulais aller ans un parc, y trouver un coin  de calme, mais le ciel est tellement couvert que cela m'a découragé, surtout qu'il ne fait pas très chaud. Puis Tony m'a appelé et nous avons convenu de nous rejoindre à « L'affiche », ouvert exceptionnellement ce dimanche du fait du match de foot PSG-OM. C'est donc là que je suis actuellement, dans l'ambiance des fans des foots et c'est là que nous dînerons ce soir. Bref, tout cela n'est pas fait pour m'aider à me réveiller, entre le son de la télé et les commentaires des clients, qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour voir un ami ?

Depuis mon levé, j'ai eu Cynthia deux ou trois fois au téléphone, mais je m'aperçois que je n'ai pas grand chose à lui dire, non par manque d'imagination ou d'intérêt, mais simplement parce que parler m’essouffle vite et que prêter mon attention me fatigue vite. C'est d'ailleurs ainsi avec quiconque je suis au téléphone. Je peux écouter, me concentrer si le débit n'est pas trop rapide, mais je ne parle pratiquement pas. Lorsque je suis en présence, de Tony par exemple, c'est pratiquement la même chose. Comme je lui ai fait remarquer, je ne débattais plus comme avant, non que je ne voulais plus, mais que mon souffle et ma faculté de concentration ne me le permettaient plus.

samedi 3 octobre 2015

Malade à Paris

3 octobre 2015


Depuis tout à l'heure, depuis hier même, j'essaye de me mettre en condition d’écrire, mais le bruir omniprésent dans mon quartier, voire dans Paris où que j'aille depuis mon arrivée, m'empêche de me concentrer et m'épuise, le mot n'est pas trop fort. A l’infant je viens de faire une crise d'épilepsie  partielle et je me dis que ce n'est pas le simple fait du hasard. Je pensais tout faire pour m'installer à Paris, mais j'avoue que je reviens sur mes positions. Je crois que je n’arriverai à plus à tenir dans une ville comme celle-là, et même durant mes soins, si soins il y a, je le saurai mardi prochain à présent, s'ils durent trop longtemps, le séjour sera difficile.

Donc hier, à l'autre bout de Paris, j'ai été à mon rendez-vous avec le professeur chef de service du service radiothérapie de l'hôpital La Pitié-Salpêtrière. A ma sortie, je n'ai toujours pas compris s'il allait me prendre en charge ou que je sois en France. Il a regardé mes derniers IRM, le Spectro IRM, l'entretien à duré une bonne heure, et selon lui la plus grosse tumeur est toujours une tumeur cancéreuse, qui grossit, et la solution est de l'irradiée à nouveau, à trois reprises. Quoi qu'il en soit, il doit s'entretenir avec ses collègues mardi, et selon qu'ils pensent comme lui, j'aurai ces séances, et si une majorité pense que c'est une radionécrose, alors il faudra que je passe plus souvent des IRM afin d'en surveiller l'évolution. Quand je lui ai dit que s'il m'irradiait à nouveau une tumeur déjà irradié, j'avais toujours entendu dire que cela ne servait à rien, il a éludé la question. Il m'a simplement dit que dans cet hôpital c'est ainsi que cela se passait. Cependant, pas un fois il n'a mis sur la table le choix de la neurochirurgie. Ma mère était présente avec moi à cet entretien et je me suis aperçu lorsque nous avons quitté le professeur qu'elle n'avait rien compris aux alternatives qu'il me proposait. Je lui ai donc réexpliqué, mais a-t-elle bien compris pour autant ? Quoi qu'il en soit, je suis maintenant dans l'attente de mardi, le 6 octobre est imprimé dans ma tête, ils doivent m'appeler, et je me demande à quelle sauce je vais être mangé.

J'ai quitté mon quartier pour me rendre dans l'une des rares rues piétonnes de la capitale, la rue Daguerre, situé dans le quatorzième arrondissement de Paris, près de place Denfert-Rochereau et à deux mètres des catacombes. Donc, certes je n'entends plus les bruits de moteurs, mais la rue est pris d'assaut par les piétons, cette rue commerçante où les brasseries ne manquent pas, et au final ce n'est guère beaucoup mieux pour ma tête. Pensant à ma tête, je pense donc à ma maladie, mais à cause du brouhaha des uns et des autres, des conversations qui s'entrecroisent, je ne peux véritablement me concentrer sur moi-même. Cela me manque, car j'aime régulièrement faire le point sur mon intérieur plutôt que sur les contours de l'extérieur, les décors, des choses  toutes aussi superficielles que ma propre personne si on y pense bien. Oui, j'en ai marre de cette histoire d’éventuelles radionécroses ou de tumeurs cancéreuses qui grossiraient, histoire qui dure depuis plus d'un mois et dont je ne vois pas la fin. Quelle sera l'issue, et la suite ? De nouvelles métastases à venir, quelque soit le sort de celles que j'ai déjà. Comme me l'a dit le professeur, mon cas n'est pas des plus simples. Mais existe-t-il un cancer simple ? Non, je ne le crois pas, mais il y en a qui sont plus handicapant que d'autres, cela est certain.

J'ai quitté très rapidement la rue Daguerre, car à côté de ma table se trouvait un vrai couple de pipelettes, et ça jacassait et çà jacassait, de plus en parlant fort comme si elles voulaient être entendue par la rue entière. Bref, pire que les voitures. Du coup je suis dans un café situé dans une grande artère parisienne, mais du fait de l'heure, il est 20H00, la terrasse est calme et les voitures plus discrètes qu'à mon arrivée dans ce quartier. Après je prendrai un bus qui m'emmènera directement dans mon quartier et, peut-être, prendrais-je un dernier café là-bas, juste avant de rentrer me coucher. Cependant, en regardant les gens passés ou assis à un café, je réalise à quel point Paris est un monde à part, un monde qui n'a rien à voir de ce que je connais de la France. Je pense qu'un parisien ne peut être sage, au sens philosophique du terme, ou en tous cas son immense majorité. Tout est fait dans la précipitation, ou tout au moins le temps est compté, et dans ce vacarme et cette agitation infinie, où voulez-vous avoir le sentiment de vous poser pour faire le point sur quoi que ce soit ? Du coup, j'envisage de m’acheter un baladeur, de rentrer dans mon monde musical afin de faire un vrai break avec le bruit ambiant. Il est vrai que l'on voit rarement sur un visage si une personne est ce que j'appelle réellement malade, mais dans les villes moyennes, à plus forte raison petites, il est des comportements, des attitudes, des essoufflements, qui indiquent cela. Dans ces villes cela se remarque, car les habitants sont dans un rythme que je qualifierai de normal et ils ont le temps de s'attarder malgré eux sur les personnes. A Paris, comme dans toutes les métropoles, tout cela vole en l'air. Là, on se regarde uniquement pour s'éviter, on à guère plus le temps de voir autre chose. Alors je me dis depuis aujourd'hui que je suis un mourant dans tout ce fatras, ce fatras qui n'a que de l'élan à revendre, de l'énergie, des projets, mais certainement pas des personnes à observer, à essayer de comprendre, c'est d'ailleurs pour cette raison que peu se connaissent, que peu se comprennent eux-mêmes et, par là-même, interprètent souvent maladroitement l'autre, confondant tel projet d'un individu avec son tempérament, sa réalité intérieur qu'il méconnaît peut-être lui-même également, il fait l'amalgame entre désir, souhait, envie, et personnalité. Cette erreur d'appréciation, je l'ai évidement faite toute ma jeunesse et même après, et à Paris, c'est monnaie-courante. Bref, depuis que je suis ici, tellement c'est un autre monde que j'avais oublié, j'en suis à me demandé si j'ai bien le cancer, si c'est une maladie si grave, car dans son émulation tout semble éphémère à Paris, voué à disparaître rapidement, nous y compris, il n'y aurait rien de surprenant ni de tragique. Quelque part, cette situation me fait relativiser ma précarité, non l'oublier, cela je n'y arrive plus, mais la relativiser. Contrairement aux endroits où j'ai vécu depuis novembre 2013, découverte de mon cancer, ici, la vie ne me semble plus aussi importante. Pour un peu, je serai prêt à retourner à Belfort, ne plus me faire soigner, et partir de ma mort naturelle tellement je n'ai pas confiance dans l’efficacité des médecins delà-bas, et ainsi, plus tôt se sera fini, plutôt ce sera la paix définitive, tôt ou tard, pour tous mes proches et moi-même. Comme quoi, selon l’environnement et le comportement de ceux qui nous entourent, il y a manière et manière de vivre sa maladie. Je ne sais ce qui est le pire ou le mieux, se sentir ou s'éprouver périr, ou ne pas pouvoir le faire, en avoir conscience, parce que l'environnement nous bouffe toute  notre attention, notre concentration, et le peu d'énergie que nous avons. Oui, je ne sais quel est le meilleur choix, mais encore faut-il avoir le choix, ce qui est loin d'être le cas de la majorité. Le mien, vous l'aurez certainement compris, serait celui du silence propice à une certaine forme de méditation, à celui des réflexions philosophiques, donc loin des grandes villes. Oui, je veux assister en spectateur les yeux ouverts le plus longtemps possible à mes derniers mois ou dernières années, éprouver et avoir conscience de la manière dont je me vivrai, de la manière dont je percevrai la vie et l'existence, car je sais qu'inéluctablement j'ouvrirai encore les yeux sur des choses que je n'ai pas encore vu. Ces choses, seront-elles apaisantes ? M'aideront-elles à mieux aborder ma fin, à moins l'appréhender ? Quoi qu'il en soit, si le programme de ma mort se déroule selon le plan des médecins, perdant conscience petit à petit, je ne pourrai rien appréhender, je n'en aurait plus les capacités. Cependant, même si quitter ce monde ne me dérange pas plus que ça dans l'idée, c'est la peur que j'ai d'avoir peur d'ici-là, peur dans le sens de panique, peur de sentir la mort m'envahir. Pourtant, et ma raison me le rappelle régulièrement, depuis deux ans je me sens périr, lentement mais sûrement, les symptômes physiques et psychiques sont bel et bien là, magistralement, et pourtant nulle apocalypse inattendue ne s'est présentée sur mon chemin, hormis le déroulement, l'évolution classique de ce qui se passe dans mon cerveau, l'apparition régulière de métastases et leurs conséquences. Aussi, je me demande ce que je peux appréhender à ce point, à part la peur de l'inconnu, les derniers moments, instants, voire minute, tant que ma conscience sera là pour le vivre.

jeudi 1 octobre 2015

Transports

1 octobre 2015


Une fois de plus j'ai passé une sale nuit, nausée et vomissement, et me suis réveillé à 11H30 ce matin après m'être couché vers 21H00 hier soir. Pourtant, malgré qu'il soit 14H00 à présent, je n'arrive toujours pas à émerger. Pour ne pas être tenté de me rendormir, je me suis immédiatement habillé et suis allé à « L'affiche » prendre un double express en terrasse. Cependant, même si le soleil est présent au-dessus d Paris, à l'ombre il fait frais et, comme toute la terrasse était à l'ombre, j'ai pris le parti d'aller voir un ami qui tient une petite brasserie dans le cœur de Paris, dans le quartier du Châtelet. Là, je suis assis à un terrasse près de son bistrot qui est plein, au soleil, attendant que son bar se vide un peu, que ses clients aient fini de déjeuner, et qu'une table se libère. Mon pote, qui s'appelle Martial, je le connais depuis trente ans. Lui aussi habitait la Porte de Saint-Cloud, son père possédait l'une des trois grandes brasseries de la place et, à chaque match de foot ou de rugby, car l'endroit est à proximité du Parc des Princes, c'était le plein. Un jour, Martial et son frère récupéreront cette affaire et ce sera un jolie pactole à partager.

Donc, en étant au Châtelet, je suis dans l'un des cœurs de animation parisienne, où ça bouge dans tous les sens, non stop, véhicules, motos, scooters ou piétons, bref, tout ce qui ne me convient plus. Aucun silence par ici, que ce soit de jour ou de nuit, et le café où je suis installé est situé au bout de la rue des Lombars, une rue célèbre à cause de tous les pubs qu'elle abrite. Il y en a pour tout les goûts, du jazz, du rock, de la techno, et tous sont ouverts toute la nuit, jusqu'aux premières du matin. Ainsi, entre musique à ne pas pouvoir  s'entendre, devant parfois hurler pour se parvenir à se faire écouter, offrant un choix infini de bières ou de cocktails, il n'y a que l'embarras du choix pour qui veut passer une nuit blanche. Quoi qu'il en soit, même si j'étais dans ce quartier pour dire bonjour à Martial, même si je ne n'étais nullement venu pour déjeuner chez chez lui, si j'y suis comme même allé parce que j'avais la tête qui tournait. Après avoir manger, je n'ai pas attendu mon reste, je lui dit que je repasserai, et suis parti pour être bousculé dans les transports, en bus exactement, bus qui n'avancent pas à cette heure et, surtout, dans le centre de Paris. Du coup je suis descendu à mi-chemin, à la place où s’élève la cathédrale Saint-Suplice, dans le sixième arrondissement, arrondissement petit pour Paris, mais pratiquement aussi grand que Belfort. La cathédrale est donc située sur une grande place carré où se trouve une belle et grande fontaine. Je suis resté une demi-heure, le temps de boire café, puis de reprendre le bus pour rentrer chez ma mère. Et bien il aura fallu près de deux heures pour arrivé bon chemin, vers 18H00 donc. En gros, j'aurai presque passé l'après-midi dans les bus et je suis d'avis que dorénavant je prendrai le métro.

A présent je suis crevé, j'attends Tony pour boire un café, puis je rentrerai, et sans doute me coucherai tôt en espérant être frais pour demain, pour plaider ma cause lors de mon entretien à l'hôpital.

mercredi 30 septembre 2015

Arrivée à Paris

30 septembre 2015


Voilà, j'y suis, arrivé à Paris vers 12H30, je suis arrivé dans mon quartier il y a une heure, le temps de traverser Paris en bus. Depuis je suis posé à une terrasse de café située sur une petite place du quartier, à l'abri du bruit et du mouvement sans fin des piétons qui se trouvent dans les grandes artères alentours. Ma mère est venue me chercher à la gare, sans ma nièce, mais sa voiture étant tombée en panne, c'est le radiateur qui chauffait trop, nous avons pris deux direction différentes pour rentrer. Elle, elle est reparti chercher  sa voiture là où elle l'avait laissé, près du châtelet, et moi j'ai pris les bus en direction de la porte de Saint-Cloud. Donc depuis une heure seulement je me pose et, malgré que j'ai faim, je préfère rester dehors, à la terrasse du café qui s'appelle « L'affiche ». D'ailleurs, depuis que cette brasserie a été repris par des nouveaux gérants, c'est la que je vais systématiquement, ou presque, lorsque je monte chez ma mère.

Suis-je content d'être là ou non ? Dans un sens cela  me change de Belfort, ce qui n'est vraiment pas un mal, mais dans un autre cela me sépare de Cynthia à qui, pourtant, même si je l'ai eu au téléphone, je n'ai pas eu grand chose à dire. Mais bon je crois qu'il en va de même envers tout le monde, je dis le strict minimum, voire parfois rien. Non, la seule joie que j'éprouve en me trouvant ici, c'est le grand espoir d'être pris en charge pour mes tumeurs à Paris, non plus en Franche-conté.

Sous les coups de 17H00 j'ai pris un café avec mon ami Tony. Il sortait de sa sieste suite à une montée de température qu'il avait eu cette nuit et qui l'avait vivement fatigué. Effectivement, suite à son cancer du foi et de la greffe qui a suivi, à cause des complications de cette dernière, toute manifestation de fièvre est suspecte. Chaque mois il en a, de plus ou moins grande intensité, et il passe au moins une nuit par mois hospitalisé en conséquence. L'heure que nous avons passé ensemble, il l'a passé à essayer de calmer la patronne de « L'affiche » qui, à juste titre, en voulait à un client qui lui devait une grosse somme d'argent et qui, manifestement, ne se pressait vraiment pas pour la rembourser. Puis Tony et moi nous quittâmes car il était invité avec sa femme chez des amis et qu'il voulait encore se reposer un peu avant. Quoi qu'il en soit, même si nous n'avons passé qu'une heure ensemble aujourd'hui, j'ai vraiment apprécié de le retrouver. Sans aucun doute nous reverrons-nous demain, pas forcément plus longtemps, car il ne sera pas rentré avant 18H30 de son travail.

Ensuite j'ai appelé Cynthia tellement cela me faisait un vide de nous savoir si loin l'un de l'autre, de me dire que, pendant au minimum un mois, voire deux ou trois, nous ne  nous verrons que très peu sauf si à Paris les médecins ne veulent ou ne peuvent rien faire pour moi. Auparavant elle avait eu son père au téléphone qui lui avait annoncé qu'il s'était acheté un costume pour l'enterrement de sa femme. Est-ce à dire qu'il pense que le pire arrivera dans un bref délai ? Est-ce une manière pour lui d'accompagner le mouvement, de ne pas se sentir dans une totale impuissance, avec la possibilité de faire encore quelques petites choses pour sa femme ? Oui, je crois que la manière dont il sera habillé ce jour-là, ce sera encore une manière d'accompagner sa femme, de lui rendre honneur.

A présent je suis chez moi, chez ma mère plus exactement, dans la plus petite chambre de l'appartement qui en possède trois, bien au calme, sans fond sonore hormis le bruit des voitures qui descendent ma rue pour se rendre sur la voie express, cette mini-autoroute qui traverse Paris en longeant la Seine d'un bout à l'autre. C'est sur une portion de cette même voie express que tous les ans la circulation est arrêté pour céder place à Paris-plage. Néanmoins, malgré le ronronnement de ces voitures qui roulent, ronronnement quasi permanant, je vais de ce pas me coucher afin de récupérer de cette journée passé dans les transports la majorité du temps.

mardi 29 septembre 2015

Morosité

29 septembre 2015


Veille de départ, malaise, j'ai l'impression d'abandonné Cynthia, de la délaisser à son sort tandis que je part pour ne me préoccuper uniquement du mien, bel et bien égoïstement, la laissant avec la solitude pour unique compagne. Oui, cela m’apparaît comme un acte presque lâche, non le désir de me soigner, mais de m'installer à Paris si possible.. Je fais passer ma commodité avant la sienne et cela me déplaît fortement. De même, puisque je suis dans les postulats au niveau des soins que l'on risque de me proposer, lorsque je pense à la chirurgie, aux risques de paralysie totale ou partielle que j’encoure, je me demande si je pourrai revivre un jour avec elle, si je ne serai pas un si lourd handicap que l'on sera obligé de m'interner je ne sais où.

Je pense à la gare d'Austerlitz, au jardin des plantes qui est situé juste en face, les musées et les serres qui sont situés en son sein, et à l'hôpital où j'ai rendez-vous le 2 octobre qui est à cent mètres de la gare. Par rapport à chez ma mère, c'est à l'exact opposé de Paris et il me faudra bien une heure pour faire ce trajet en transports en commun. D'un autre côté, je me dis que si je suis dans un chambre de l'hôpital, en attendant et suite à l'opération éventuelle, la pensée du jardin des plantes me sera agréable, je m'y verrai me promener dedans. Pour que le tableau soit parfait, il me faudrait Cynthia à mes côtés, nous deux, seuls, avec le soleil et le répit que, peut-être, amènerait cette opération. Cependant, tous les médecins ayant écarté l'opération depuis que je suis suivi pour mon cancer, je l’appréhende beaucoup si elle doit avoir lieu. Peut-être qu'à Paris ils auront d'autres solutions à me proposer, des produits qui sont en période de test, de l'immunothérapie ou je ne sois qu'autre. Peut-être me feront-il rentrés dans des protocoles expérimentaux également.

Donc ce matin j'ai été voir mon psychiatre. Là aussi c'était très protocolaire, car ne sachant pas si nous allions nous revoir ou non, l'entretien a plutôt une forme d'au revoir, voire d'adieu. Sitôt sur Paris, je vais essayé de retrouver le psychiatre qui m'a largement aidé à sortir de la nasse. S'il exerce encore et que je retrouve, quelque part je me sentirai réellement soulagé et, s'il est resté tel que je l'ai en mémoire, je me sentirai également en sécurité, rassuré, quelque soit l'évolution de ma situation. Lui, je l'ai rencontré pour la première fois en 1998, et il m'a suivi pendant trois ans, à raison de deux à trois séances par semaine parfois, à 7H00 du matin souvent. Il m'a fait bousculé mes habitudes, celle de dormir et encore dormir, refusant de s'occuper des prescriptions médicales dans un premier temps, puis en s'y pliant suite à mon insistance. Tout cela, c'était peu de temps avant  ma rencontre avec la mère de ma fille, à une époque où elle ne savait trop quoi faire de sa vie. Qu'est-ce qui lui a donné l'envie d'aller avec le légume que j'étais alors, absolument pas remis de la mort de Michel et ne se voyant plus d'existence possible, au sens d'existence joyeuse, heureuse.

Bref, il commence à être tard ce soir et je n'ai toujours pas préparé mes affaires pour demain. Je vais donc faire cela en rentrant. Tout à l'heure j'ai été voir Cynthia à son cours d’équitation. Elle est tombée, mais il y a eu plus peur que de mal et cela ne l'empêchera pas d'y retourner la semaine prochaine. De même, à ma plus grande surprise, mon frère m'a téléphoné. Il m'a annoncé qu'il essayerait de monter à Paris pour me voir au mois d'octobre, mois de son anniversaire. Est-ce que cela me fait plaisir ? Sincèrement il ne serait pas monter que cela m'aurai laissé indifférent. Mais peut-être que lorsque nous serons face à face, j'éprouverai autre chose, quelque chose qui se rapproche du plaisir ou de la joie, je n'en sais rien. Aujourd'hui je suis dans ma bulle morose et je vois les choses à travers ce prisme.

lundi 28 septembre 2015

Cancer et encore cancer

28 septembre 2015


J'ai encore passé une sale nuit, nausée, vomissement, nuit hachée, découpée, et de fil en aiguille j'en suis arrivé  à me réveiller vers midi. Cela m'apprendra à trop manger le soir, à avoir un cancer, et à avoir l'estomac à moitié  détraqué. Certes, je prends des anti-nauséeux, mais ils sont d'une très relative efficacité. Ceci dit, comme hier, le soleil règne sur Belfort, mais le vent gâche tout. Je suis obligé pour ne pas avoir froid de porter polo, pull, et doudoune fermée, comme si j'étais à Rennes ou à Paris en plein hivers. Donc, je ne suis pas pressé de ressentir l’hiver d'ici.

Sinon, je suis déjà à demain, dans les préparatifs de mon voyage d'après-demain. En dehors de l'intégralité de mon dossier médical, je ne prendrai que le strict minimum, car je me demande bien comment je vais pouvoir porter tout ça jusqu'à la gare. A l'arrivée, tout devrait alller bien car ma nièce et ma mère viennent me chercher. Ma nièce portera mon dossier médical, bien plus lourd que le peu d'affaire que je prendrai. De même, je pense toujours au 2 octobre, au soir exactement, me demandant si j'irai de suite dans un foyer pour SDF ou non. Je pense que oui, mais qui sait ce qui peut encore se passer d'ici-là.

Je viens de téléphoner à mon beau-père et son ton était d'une fatalité qui ne dit pas son nom, sans l'ombre d'une pointe d'humour, lui qui est toujours le premier à rigoler ou à lancer des calambours. Pour sa femme, c'est de pire en pire, tout est touché, il y a des métastases partout, et là où elles lui font le plus mal, ce sont dans les os et les articulations, celles des bras et des jambes. Tout ce qu'on lui donne pour calmer ses douleurs ne la soulage que peu, n'ôte pas toute la douleur pour autant. Lætitia, la sœur aînée de Cynthia était avec Bernard. J'ai discuté un peu avec elle. Comme Cynthia, elle n'avait vraiment pas un ton à la joie, on sentait dans ce dernier un parfum de mort, celle à venir de sa mère, et bien plus que de l’inquiétude, comme pour son père, était sous-jacente la question « quand » ? Cependant, même si sa mère est dans ce sale état, cette dernière veut continuer à se battre, à se soigner, et a demandé à l'oncologue de lui faire faire les séances de chimiothérapie initialement prévues, séances que l'oncologue ne voulait pas reprendre, estimant que ma belle-mère ne pourrait les supporter et que, de toutes les façons, elles ne serviraient plus à rien pour ralentir la progression de la maladie. Pour mon beau-père, Bernard, les choses sont entendues et, comme il me l'a dit tout à l'heure, lui qui l'a voit tous les jours, il ne peut que constater qu'elle dépéri toujours un peu plus chaque jour et ne se fait plus guère d'illusion. Si j'ai les moyens financiers, que ma fille soit là ou non au mois d'octobre, j'essayerai de passer deux ou trois jours à Lyon, car moi aussi j'ai peur que le pire arrive avant que je ne lui prenne la main, même si c'est la dernière fois. Quelque part je me dis que même face à cette maladie nous ne sommes pas tous égaux face à la mort. La mère de Cynthia souffre physiquement, rien ne la soulage réellement, tandis que moi, lorsque mon cancer sera en phase finale, je ne ressentirai rien, aucune douleur, aucune conscience, je serai parti de ce monde avant même d'être mort, dans je ne sais quelle espèce de coma, sans plus rien éprouver et sans plus penser.

Hier, Anne, pas celle de Rennes, mais celle de mon enfance, de mon adolescence, qui était régulièrement ma nounou, sa famille habitait dans l'appartement situé au-dessous du nôtre, donc Anne m'a envoyé un long SMS me disant qu'elle me lisait régulièrement. Comme d'autre, c'est une cachottière qui ne laisse pas de trace sur ce blog, pas plus qu'elle ne m'appelle. Je ne sais donc pas ce qu'elle pense de ce que j'écris, de mes idées, états d'âmes, etc. Mais ce n'est pas grave, car qu'es-ce que cela changera à ma condition et la manière dont je la vis ? Du coup, je repense à Anne, mais celle de Rennes. Je lui avais dit que j'essayerai de rédiger un tableau de Rennes, mais je ne l'ai pas encore fait. Pour se faire, j'aurai besoin d'être complètement concentré sur cette année merveilleuse passé là-bas, comme l'on est concentré lorsqu'il s'agit de rédiger un poème, chose difficilement accessible à présent pour moi. Pour rendre le vrai de Rennes, tel que je l'ai vécu, il faut pouvoir dire le beau, l'enthousiasme, l'élan, la plénitude, tout un tas de choses à développer, sinon c'est comme acheter une boite de conserve plutôt qu'un bon plat fait par un traiteur. Mais un jour me viendra l'envie et la force de consacrer un portrait à cette ville. Un jour j'ai fais un portrait de Paris, c'était juste avant de partir pour Lyon, à la conquête de Cynthia. Le portrait n'était pas glorieux, car Paris, sans ses monuments et ses vieux quartiers, serait indigeste.

J'aimerai quand même écrire des choses plus gais, comme ma journée d'aujourd'hui que j'ai passé agréablement, sans prise de tête avec personne, même avec ma mère qui m'a appelé pour un courrier quelconque adressé à mon nom, à son adresse, endroit que je n'habite plus depuis 2008. Je lui ai dit de le jeter et, encore une fois, il a fallut que j'insiste. Ma mère me fatigue, vraiment, rien ne peut être simple avec elle, elle a toujours quelque chose à redire quelque soit votre propos, votre souhait ou votre acte. C'est plus que lassant, ce l'était déjà avant et ça l'est plus encore maintenant, car devoir convaincre, non seulement ne m'intéresse plus du tout, mais en plus m'épuise. C'est de l'énergie perdue pour rien tandis que je ne demande que du repos. Mais bon, là encore, je n'écris rien de très gai. Est-ce à dire que je ne trouve que dans les choses qui paraissent trites, mornes, sombres, matière à penser ? Effectivement, je ne pense pas aux plages et au soleil tous les jours, effectivement je ne suis pas gai plus que çà en pensant au séjour de ma fille auprès de moi du 17 octobre au 28. Enfin de compte, plus rien ne me rend véritablement gai, aucun moment passé avec quiconque ou seul ne me transporte, cela m'a également l'air révolu dans mon évolution psychologique, plus rien ne m'impressionne, pas plus que rien ne me surprend vraiment, que ce soit dans le pire ou le meilleur. Oui, plus ça va, et plus j'ai l'impression de devenir un imperméable sur qui tout coule, que rien n'affecte réellement, que plus rien d'extérieur ne peut pénétrer, seule l’évolution de mon cancer me posant le seul réel problème, la seule chose qui me maintienne éveillé, la seule chose qui est encore un réel intérêt pour moi, bien avant qui que ce soit, quoi qu'il se passe, mais ce n'est pas volontaire, ça s'est imprimé ainsi dans mon cœur et dans ma tête, et je fais que suivre le mouvement, les vagues que cela provoque ou non. Non, honnêtement, je ne me sens pas triste, pas plus que les sujets que j'aborde, même si je comprend parfaitement qu'ils peuvent être rébarbatifs, tristes à vos yeux, voire déprimant, non, tout cela n'est pas ainsi pour moi. Bien que je le cherche pas, je constate que je prends tout avec beaucoup de recul, y compris l'état critique de ma belle-mère, et dans la mesure de ce que je peux, mon propre état. Certes, lors des mauvaises nouvelles, qu'elles me concernent ou non, je suis pris à vif, je suis en plein dedans, la tête dans le guidon, mais trois ou quatre lus tard c'est comme si tout s'estompait, prenait un autre angle, un autre visage, et plutôt que de me lamenter, d'avoir le cœur toujours serré par ce que j'ai appris, j'en acceptai la fatalité, revenait à l'essentiel, c'est à dire la santé, condition indispensable pour continuer à vivre. Toute ma vie, parce que mon corps n'a jamais été en danger, moi j'étais essentiellement mon intellect, comme la majorité d'entre nous, ne me préoccupant absolument pas de mon corps puisqu'il marchait. C'était s'ignorer, ne rien comprendre à ce que nous sommes, car lorsque le corps se détraque, ce n'est pas l’intellect qui peut le guérir. Au mieux notre intellect peut nous aider à supporter notre état, à garder tant que se peut le moral, mais face à des maladies mortelles, que peut-il faire ? Dans nos sociétés modernes, on a oublié, voire on ne sait tout simplement pas, comme moi, ce que signifie « une bonne alimentation », l'importance de l'entretien physique de son corps, car c'est bien beau de n'entretenir que l'intellect, que ce soit à l'école, en se cultivant ou en faisant des sorties culturelles, encore une fois, si un jour le corps lâche, c'est le plus souvent parce que vous l'aurez délaissé.

Voilà, ma journée dehors est sur le point de se finir. Je vais rentrer à la maison, rejoindre Cynthia et notre grosse chatte, dîner léger afin de ne pas connaître à nouveau les déboires de ma nuit passé. IL fait encore jour, mais la nuit ne va pas tarder à tomber. J'ai encore envie d'écrire comme d'autre désirerait une glace au chocolat, mais sur quoi, je n'en sais rien. Ou plus exactement, si, je sais parfaitement sur quoi disserter, toujours le cancer, le mien, celui de ma belle-mère, de l'échéance de la mort que cela signifie, de ce que signifie vivre dans ces conditions. Mais bon, j'y reviendrais une autre fois, forcément, inévitablement, caron ne peut se séparer de son corps, surtout quand celui-ci programme votre fin, que vous le savez, et qu'il n'y a aucune issue possible mis à part des pansement et de la pommade.

dimanche 27 septembre 2015

Pensées

27 septembre 2015


Donc, depuis deux trois jours j'arrête mon antidépresseur. Je ne sais si de ce fait, déjà, cela agit, mais je ne me réveille plus aussi guilleret, c'est certain. Non, de suite j'ai en tête des pensées qui me rendent plus ou moins moroses, même si ce sont les mêmes que d'habitude, à savoir ma maladie et son avenir, des interrogations sur mon séjour à Paris, si je trouverai vite un logement, même si c'est à l'hôtel, car il y a des hôtels au mois pris en charge, ou en partie, par les services sociaux. Leurs chambres sont souvent réservée aux femmes avec bébé ou enfant sans domicile fixe. Mais je me fou d'être un peu morose, je ne suis pas sombre, noir, pour autant, et, franchement, je préfère que rien ne joue sur mon humeur. Sur l'anxiété, oui, sur l'humeur,ce qui est mon véritable souffle, non, et tant pis si je dois en pâtir parfois. Comme je serai sans Cynthia, dans ce domaine, je n'aurai strictement aucun effort envers personne à effectuer. De toute façon je serai le plus souvent seul et qu'est-ce qu'en ont à faire les gens, surtout à Paris, de ma condition et de mes humeurs. Que je rie ou je pleure, personne ne s'arrêtera, c'est presque certain, et quiconque stopperai sa marche pour venir à moi, que pourrait-il faire ? Enrayer ma maladie ?

Je viens d'avoir Cynthia au téléphone. Elle venait d'avoir sa mère au téléphone, sa mère allongée dans son lit d'hôpital ne cessant de se plaindre de ses douleurs, malgré la morphine et tous les antalgiques qu'elle prend, sa mère qu'elle avait du mal à comprendre car, du fait de sa fatigue, de son épuisement, elle avait du mal à parler, articulant très mal, ayant du mal à bouger les lèvres, sa mère qui réclamait ses petits-enfants, les voir encore et encore, au maximum, car elle se sentait mourir, partir, et lorsqu'elle raccrocha avec Cynthia, c'était en pleurant. Après que l'on vienne me dire que la vie est un miracle, forcément un bienfait, tout cela n'est que foutaise et, une fois de plus, je me range du côté d'Emil Cioran et non du côté des religions ou tout autre forme de spiritualité. La vie est faite pour nous achever, peu importe de quelle manière, esquintant ainsi ceux et celles qui restent autour de leur défunt. Je pense donc à Cynthia, qui vit ce drame à distance, et me demande ce qu'elle préférerait. Être près de sa mère ou non, sachant qu'elle ne pourrait pas faire grand chose pour changer la donne, tout comme son père ne peut pas le faire. Reste la présence, mais dans l'état de sa mère, elle qui a mal tout le tout, que les médicaments assomment au point de dormir presque toute la journée, sent-elle au moins cette présence, peut-elle véritablement se concentrer sur cette dernière, en prendre acte, en tirer un plaisir quelconque. Oui, malgré la souffrance, je pense que la présence, même par téléphone, est un réconfort, mais dans quelle mesure selon l'état de chacun ?

Écrire épuise, ou tout au moins fatigue mon intention, mais cela fait du bien, même si je le fais en plusieurs étapes. Oui, j'ai tout l'impression de jeter dans une grande poubelle, une poubelle sans fond, impossible à remplir, sans plus rien à cacher de ce que je pense, de ce que je ressens, sans plus aucune pudeur tellement elles sont comme des menottes à mes yeux maintenant. Oui, la pudeur, même si cela ne signifie pas qu'elle ne sert à rien dans mon esprit, car elle sert pour une cohérence sociale où nous ne cessons de nous côtoyer, il faut donc des règles communes et la pudeur fait bien souvent partie de ces dernières, mais moi, moi qui sait que je vis mes derniers mois, peut-être mes dernières années avec un peu de chance, qu'en ais-je à faire de ma cohérence avec des gens qui appliquent des règles pour vivre, non pour mourir ? Je n'ai strictement plus rien à faire de ce monde qui ne pense qu'avenir et avenir, sans cesse, d'où leur déprime ou leur joie, ne pensant qu'exceptionnellement que leur avenir aura une fin. Un jour, s'il fait trop chaud, peut-être me mettrai-je nu en plein centre ville, pourquoi à Paris. Bien sûr la police viendra m'arrêter pour outrage à la pudeur, peut-être même serai-je condamné, mais qu'en ais-je à faire franchement, car qu'est que le jugement, quelle valeur à cette sanction comparée à celle que m'inflige mon propre corps ? Tout cela, tout notre système en devient risible. Oui, il n'est pas du tout identique d’envisager demain comme la vie éternelle ou presque ou demain comme sa mort potentielle et ce, chaque jour. Je ne sais quelle est la meilleure de voir les choses, mais je suis certain d'une chose, c'est bel et bien la première façon de voir qui a conduit notre monde, nos diverses sociétés, à êtres ce qu'elles sont, avec leurs inégalités et toutes les injustices qu'elles génèrent. Je me demande donc ce que serait un monde construit avec le second regard, car il est clair que ses valeurs seraient fortes différentes.

Toujours tourné sur mon nombril, je me demande à quelle sauce me manger. Je ne sais plus dire pour ansi dire quoi penser de moi, tellement il me semble me méconnaître. Parfois j'ai l'impression que je veux être un ermitte, ce qui n'est pas vraiment faux dans les faits, mais je sens que parfois j'éprouve également en contact avec l'autre, même si je ne parle pas, ne serait-ce qu'à l'écouter ou être en présence. Je parle, communique, à travers mon clavier, c'est beucoup moins fatiguant pour moi, moi lassant. Là, je pense à Leila qui m'a écrit par mail, s'ouvrant ainsi peu plus de cette manière, et sa vie m'intéresse, de A à Z, de son Algérie natale à sa venue en France, de sa bonne santé à son cancer primaire du cerveau. Encore une fois je suis triste, ne me donne vraiment pas envie d'aimer la vie, lorsque je constate son bas-âge et cette maladie qui la ronge avant même qu'elle est découvert bien des choses, bien des aspects positifs, légers, de la vie. Comme pour Cynthia, comme pour vous touts, je vous souhaite de durer le plus longtemps et, puisque nous sommes là indépendamment de notre sort personnel, de vous épanouir au maximum, de trouver ou de construire ceci pour cela, quitte à vous croire égoïste dans le mauvais sens du terme, car qui pourra répondre à vos besoins mieux que vous-même ? Cela n'implique de marcher sur l'autre ou de le nier, mais comme à table il faut qu'il y ait à mangé pour tout le monde, il ne faut pas hésiter à réclamer son dû, cela n'empêchera pas les autres de manger à leur faim, même s'ils doivent changer quelques habitudes, comme cesser de mettre la télé lorsqu'on est à table, cela ne les privera pas de la regarder en dehors de ces créneaux horaires. Donc, à part que je veux être tranquille, que le meilleur moyen pour y parvenir est de fréquenter le moins de monde possible, voire presque plus ou plus personne, je ne sais pas pour autant qu'elles sont devenues mes nouvelles valeurs, je n'arrive pas bien à les définir. A part la santé dont j'ai bien compris la valeur de l'importance, hormis ce qui concerne directement mon cancer, le reste de mon corps je m'en fou. Ceci est une ineptie, car tout le corps est lié, en communion plus ou moins totale, et ne focaliser que sur une partie et délaisser tout le reste est, à mon sens, un bêtise. Pourtant c'est que je fais, sans état d'âme, car je pense que quelle que soit la partie de mon corps que j'entretiens, le cancer en aura raison et, comme je ne cherche vraiment pas à vivre longtemps, même si depuis deux ans c'est à peu près agréable, malgré quelques coups d'adrénaline, de panique, car je peux faire ce que je veux ou non, dans la limite de ce que je peux faire évidement, le tout dans mon rythme parce qu'il n'y a pas d'autre choix, courir, me presser, me précipiter étant dans un autre temps, révolu, condamner à jamais, ayant déjà un rythme et la force musculaire d'un vieux de plus de 80 ans. Heureusement que les valises à roulettes existent désormais, car sinon je me demande comment je ferai pour effectuer des voyages.

Alors, mes valeurs, que sont-elles devenues depuis deux ans ? Je sais que celles antérieures se sont effondrées, effritées. Pour autant je ne sais toujours pas par lesquelles elles ont été remplacées. Pour vous dire la vérité, je crois que je n'en ai plus vraiment, même pas à inculquer à ma fille. C'est plutôt une manière de vivre, une façon d’appréhender les choses, qui se dessine dans mon esprit et dans mes actes en conséquence. Éviter systématiquement les gens qui m'ennui ou me dérange, éviter ceux que je ne sens pas, peut-être à juste tort, éviter de faire de nouvelle rencontre à priopri, non pas pour les personnes elle-mêmes, mais simplement parce que je n'ai envie de parler, cela me fatigue vite trop vite, être le plus souvent seul en conséquence, en silence radio s'il le faut, quitte à inquiéter certaines personnes, à commencer par ma mère. Oui, la seule personne que j’appellerai tous les jours lorsque je serai à Paris, et peu importe le temps que cela durera, sera Cynthia, bien avant ma fille, même si elle qui me préoccupe le plus, son entrée dans l'adolescence et son aversion qu'elle a de plus en plus envers sa mère et le compagnon de cette dernière. Il y a encore trois ans je me serai satisfait de cette situation, j'aurai estimé que c'était un juste retour des choses, que ma fille commençait à rendre coup pour coup tous les coups que sa mère nous avait porté, même si à l'époque Jade n'en avait nullement conscience et ne voulait pas en entendre parler. Mais aujourd'hui, ce n'est vraiment plus dans ce registre que je pense et, tant que faire se peut, j'ai ranger au placard la vengeance, même s'il reste toujours une pointe d'amertume, surtout celle de ne pas pouvoir participer à élever ma fille, à l'éduquer, simplement parce que le désir de sa mère était ainsi et qu'elle a tout mis en œuvre pour qu'il se réalise. A ma modeste mesure j'ai tout fait pour l'en empêcher, que ce soit devant la justice ou les kilomètres. De même, je le sais, je n'ai pas fait tout ce qui était en mon pouvoir pour me rapprocher de ma fille, empêcher sa mère devant la justice de déménager sans m'en avertir, en conséquence j'aurai peut-être eu une chance de la récupérer si sa mère avait persisté dans sa démarche. Mais rien, je n'ai rien fait de tout cela, et sitôt après le verdict du juge, pourtant très clément en ma faveur, j'ai laissé tombé les bras. C'est à cette époque que j'ai connu tenu, ma fille avait trois ou quatre ans, c'est à cette époque que ma famille, excepté mon frère une ou deux fois, ne m'a aidé concrètement pour que sois sous un même toit que me fille, pouvant l'héberger les week-end et la grande majorité des vacances, car j'étais constamment sous le biais du chantage de ma mère pour se faire ou non, quant à ma sœur, il y avait toujours un problème. Ce sont souvent des amis qui me récupéraient chez eux lorsque ma mère faisait défection parce qu’elle était mécontente de moi, parce que je voulais pas éduquer ma fille comme elle l'entendait, estimant qu'étant un homme, comme ma sœur d'ailleurs, elles estimaient que la mère ou n'importe quelle femme était mieux qualifiée qu'un homme pour élever un enfant. A quel point ne faut-il pas sacrément être une grosse conne ou un gros cons, car là aussi ils sont nombreux, pour avoir une vue de l'esprit aussi coincée, aussi étriquée ? Mais pour en revenir à ma fille et sa situation actuellement, je ne vois plus sa mère là-dedans car elle, je le sais est conne, c'est sa nature, et ne cherche pas à ce que notre fille vive dans le monde d'aujourd'hui, même s'il y a bien des choses à dire sur lui, non, elle cherche et l'a fait vivre déconnecté du monde, sans télé, sans ordinateur, et si je n'avais pas pris un téléphone portable à ma fille pour que nous puissions nous joindre quand bon nous semble, je suis presque certain qu'elle n'en aurait toujours pas aujourd'hui. Non, dans cette histoire de rébellion, c'est à ma fille que je pense, car j'aimerai qu'elle vive dans la sérénité, que ce ne soit pas dans la rancœur qu'elle évolue, cela n'aura rien de très bon sur son présent.

samedi 26 septembre 2015

De tout et de rien

26 septembre 2015


Je pense à Cynthia et, vu de l'extérieur, on pourrait se demander ce que l'on fait ensemble. Effectivement, même si elle est à la maison, moi j'en suis absent. Je me lève et, sitôt une demi-heure passée, voire une heure, quelque soit l'heure, je sort, je la quitte, et ce jusqu'au soir où je ne rentre que vers 20H00 ou 21H00. On pourrait quoi que je la fuis, alors que ce n'est pas ça du tout. Que ce soit à notre domicile, à celui de ma mère, de ma sœur ou de mes amis, je ne supporte vraiment plus de rester de rester en enfermer en quatre murs. A l'hôpital, lorsque je suis hospitalisé, c'est pareil, De même, à part regarder les gens passer, je n'éprouve pas l'envie de les côtoyer, car je n'ai plus la force de me concentrer sur leur pensée, de leurs avis, de leurs opinions ou de leurs convictions. Non que je ne veuille pas, c'est simplement que je ne peux plus. De même, lorsque je suis à Paris avec ma famille ou mes amis, là aussi je ne converse pas beaucoup, cela m'épuise rapidement, et souvent, lorsqu'ils discutent avec de tierces personnes, là aussi je ne prête pas mon oreille, cela me demande trop d'attention et de réflexions de suivre des conversations dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissements. Mais revenons à Cynthia. Mardi prochain, le veille de mon départ de pour Paris, je  l'accompagnerai à son cours d'équitation, ce sera au moins une chose que nous ferons ensemble, car plus ça va et plus nous sommes chacun dans nos propres occupations, chacun dans notre coin. même les courses nous ne les faisons plus ensemble, car rester debout une demi-heure, voire plus, je n'y arrive plus non plus, mes jambes flageolent, et il faut alors que je m’assois. De même, je ne peux plus porter de sac un peu lourd, trois ou quatre kilos étant ma limite. Enfin, depuis l’apparition de mon cancer, donc depuis presque dex ans, nous n'avons plus de rapports charnels. Oui, c'est vraiment à se demander quel couple nous formons. Je sais simplement que lorsque nous sommes en présence, même si nous n'échangeons plus beaucoup, elle est la seule personne avec qui je me sens bien, avec qui je peux rester dehors ou dedans sans qu'elle me fatigue, ce qui n'est ni le cas avec mes amis ou ma famille. De même, si parfois je l'agace car je lui fait répéter plein de fois des choses que j'oublie, que parfois je lui dit des choses qui ne peuvent lui faire plaisir, je sais qu'elle me comprends, que pour l'instant elle accepte ceci, que c'est néanmoins une véritable complice, bien plus que mes amis ou mon frère. Quelque part, si nous n'étions pas en couple, elle deviendrait ma meilleure amie, avant Tony, ma confidente et, le cas échéant, ma conseillère, ce qu'elle est déjà bien évidemment.

Aujourd'hui, comme souvent, je n'ai rien qui m'intéresse dans la ville, pas plus les murs que les gens, c'est vraiment comme un petit village, ou plusieurs succession de village, où à l'intérieur de chacun tout le monde semble se connaître, et parce que par les oui-dires que j'entends malgré moi, ils ne m'intéresse vraiment pas, la plupart d'entre eux semble aller dans la débrouillardise, beaucoup semblent sans emploi et, lorsqu'ils en ont un, d'après ce que j'entends, ils sont au SMIG, guère plus. De même il est évident que la majorité d'entre eux n'ont pas poussé les études bien loin, à peine le BEPC, qu'ils n'ont guère de culture générale avancée, et que les thèmes qui m'intéresse, c'est à dire la psychologie, la philosophie ou la métaphysique, même si je me suis essayé avec un ou deux, n'ont pas suivi la distance, c'était plus que du superficielle, du survole, et dès que je rentrai un peu en profondeur, juste sous la première couche du sujet, déjà ils n'avaient plus de répondant, et, ne sachant quoi me répondre, ils acquiesçaient à mes propos. Pourtant, même s'ils sont plus ou moins bourrus, plus ou moi inculte, même s'ils vous répondent avec un ton vraiment sec, froid, ils sont serviables, polies. Oui, concernant le quartier où j'habite, bien que ce soit dans Belfort, c'est vraiment comme une banlieue de Seine Saint-Denis. Les peaux blanches, mis à part quelques vieux et vieilles, il n'y en a pour ainsi dire pas. Par contre, dans la veille ville, c'est complètement le contraire. Il n'y a que dans l'unique piétonne, du fait de tous les commerces présents, que se mélange un peu. De même je n'ai jamais vu autant de femmes voilées au kilomètre carré, jeunes et moins jeunes, et parfois je me demande où je suis car je sais pertinemment que ce n'est pas culture et que je ne partage pas non plus leur religion. Cela me fait souvent bizarre, je me demande où est ma place, mais pour autant je n'ai vraiment l'impression que cela pose problème aux belfortains, qu'ils soient noirs, blancs ou d'origine maghrébine ou arabe. Tout ce petit monde m'a l'air de bien cohabiter, même si chacun a l'air d'avoir ses quartiers distincts.

Quoi qu'il en soit et je pense à mon séjour à Paris, voire mon déménagement, ej me dis que jesrai vraiment seul, faisant ma petite vie comme je la mène et l'ai mené à Rennes, dans mon coin, sans contacts, car si je trouve un logement, je ne sera pas dans mes anciens quartiers, et les transports parisien, la circulation parisienne, que ce soit dans les rue ou les trottoirs, me fatigue trop vite, je pense que je ne verrai que peu souvent mon entourage de là-bas, que la majorité des fois je ne me déplacerai pas vers eux, car encore une fois, à part parler de ma maladie, je n'ai rien à dire, ni aux uns ni aux autres dès lors qu'ils savent ce qui en est. Oui, les soucis administratifs et financiers de ma mère, je ne peux rien faire pour l'aider. A partir de là, je ne veux pas qu'elle m'encombre l'esprit, donc a concentration, concentration qui me fatigue, alors que je suis complètement impuissant face à ses problèmes, y compris problèmes de santé qui, avec, l'âge commence à la diminuer sérieusement. Pour ma sœur il en va de même. Son ras-le-bol de son travail, du trop de surcharge que l'on lui impose, sa frustration de ne pouvoir exercer le métier qu'elle aimerait faire, ses dépressions plus ou moins chroniques, l'argent qu'elle dépense au-dessus de ses moyens, ou tout du moins en étant sur le fil rouge, ce qui la stress également, là aussi je ne peux rien faire pour elle et, même si elle gentil dans le fond, j'en ai assez de la voir toujours se plaindre. Pour mon frère c'est réglé, il est à Toulouse et je n'aurai donc aucune raison de le voir car, en cela je suis bien déterminer à présent, je ne ferai aucun pas vers lui et s'il veut me voir, ce sera à lui de venir à moi par ses propres moyens. Restent Tony et Césard. Césard, même si j'apprécie sa présence et suis prêt à faire l'effort d'aller le voir, comme pour Tony, il me prends quand même sacrément la tête à me mettre Dieu à toutes les sauces, comme ma mère d'ailleurs et, dans une moindre mesure, ma sœur. Cela me freine donc souvent à aller le voir ou à l'appeler. Oui, tout cela sont des discours, des rhétoriques, qu'elles soient musulmanes ou chrétiennes, dont je sature complètement. J'ai pris qu'ils croient en Dieu, cela ne me pose pas de problème et n'aborde jamais le sujet, les respectant dans leur croyance, mais eux, ils semblent incapables de le faire en moi, il n'accepte que pour moi la mort est la fin de toute existence humaine et, ce, définitivement. Ainsi, c'est avec Tony que je passe mes meilleurs moments, et pourtant nous ne parlons pour ainsi dire plus ensemble, un peu comme avec Cynthia. Tony a eu un cancer du foi il y a trois ans maintenant. Cela l'a changé petit-à-petit psychologiquement, lui à fait voir beaucoup de choses autrement, lui indiquant bien, comme pour moi maintenant, où était le superficielle et le principale, les véritables priorités. Un an après que l'on est découvert son cancer et ce, vraiment inopinément, suite à une prise de sang pour mesurer son taux d’alcoolémie alors qu'il avait été arrêté pour un excès de vitesse, donc un an après, la greffe étant le seul moyen de le sauver, mais ne trouvant pas de donneur, c'est sa femme, qui heureusement possédait le même groupe sanguin que lui, un groupe rare, O je crois, qui lui a donné une partie de son foi afin que l'on puisse retirer celui de Tony infesté de tumeurs. Ses tumeurs étaient si grosses et se développant vite, il a eu le droit à de la chimiothérapie locale, où on lui injectait directement les produits chimiothérapiques en plein de son foi, ce qui le brûlait et le faisait monter au plafond. Tout cela a duré un an, puis vint la greffe et, depuis, plus de nouvelle de cancer ou de métastase, et c'est tant mieux. Depuis, comme moi, il parle de moins en moins, bien qu'il soit quand même plus sociable que moi et entretient encore beaucoup de contacts. Je me souviens qu'avant son cancer et, plus encore le mien, nous refaisions le monde depuis que nous nous sommes connus, ou presque. Aucun sujet de société, qu'il s'agisse de politique ou d'autres choses, n'échappait à notre regard, bien souvent à notre critique acerbe. Quand je l'ai connu, il y a près de dix ans, il était délégué syndicale au théâtre de Chaillot, et pour ma part j'avais une vue sur la répartition des richesses qui ne pouvaient que rejoindre les siennes. Aussi, l'un et l'autre habitant dans le seizième arrondissement, là où vous ne trouvez que des cadres supérieurs ou des personnes riches, fréquentant les mêmes brasseries que ces derniers, de fil en aiguille nous finissions par les fréquenter, qu'il s'agisse d'entrepreneurs, de personnes des médias, du staff du PSG, etc, et dès qu'un sujet sur le monde arrivait, guerre, économie, pauvres, émigrants, vous pouviez être sûr que nous rentions dans le lard de ces cols croisés le plus souvent, mais cela de manière courtoise, respectueuse, même si c'était sur un ton franchement sec. Chacun utilisait ses arguments, eux comme nous, mais au final, toujours, ils rendaient les armes. Mais tout cela, toutes ces conversation que Tony et moi avons eu ensemble, avons eu avec qui le voulait, tout cela est révolue. Comme moi il se tient au courant de l'actualité, mais cela ne l'intéresse plus vraiment. Lui aussi, à sa façon, il ne se sent plus vraiment concerné et ce qui l'intéresse dorénavant, c'est de construire sa retraite, de profiter du moment présent, et de ne plus se prendre la tête à essayer de changer les tournures d'esprits des uns et des autres. Comme moi, il est comme dans sa petite bulle, celle qui lui convient, n'a plus besoin que l'on l'y rejoigne, que l'on en soit convaincu. Lui il l'est, comme je suis convaincu de la mienne, là réside l'essentiel, la seule chose importante. De même, tout comme moi là encore, j'ai remarqué qu'il ne prend plus à la peine de s'embarrasser de personne qui ne l'intéresse pas plus que ça, contrairement à hier où il était prêt à qui consacrer un temps à quiconque le sollicitait. Aussi, lorsque nous nous voyons à Paris, nous sommes côte à côte, chacun avec notre café, lui lisant son journal ou échangeant avec une tierce personne, moi regardant le paysage, les gens passés ou l'écoutant lorsqu'il a quelque chose à dire.