lundi 5 octobre 2015

De la réalité

5 octobre 2015


Cet après-midi je suis dans le quartier Saint-Michel, car vous en douterez j'ai dormi toute la matinée et ne suis réveillé que  depuis deux ou trois heures, le corps bien sûr, mais encore l'esprit. Il est 15H30, il pleut, et je suis attablé dans un bistrot situé pas loin de la fontaine Saint-Michel. Cependant, même si je ne suis inspiré par rien de particulier à part ma maladie, Cynthia, ma fille et le reste de ma famille, je n'ai pas envie de décrire en long, en large et en travers Paris et sa vie. Effectivement, que dire sur Cynthia, ma fille et les autres ?

Cynthia a publié sur son blog hier, cela faisait longtemps que ce n'était pas arrivé, et je trouve que c'est une bonne chose que de sortir de son ventre ce qui nous peine ou nous irrite. Cela permet de mettre les cartes sur la table, de les trier plus simplement, sans les mêler, les brasser constamment, et petit à petit d'avancer, peut-être lentement, mais sûrement, vers des états d'âme plus agréables à éprouver. L’écriture est une forme d'accouchement, je n'en démords pas, toujours. Bien entendu, dans son écrit Cynthia exprimait son insatisfaction de sa condition actuelle et se promettait de tout faire, dans la limite de ce qu'elle peut, pour vivre et non dépérir, ce que je l'encourage à faire de tout cœur, m'oubliant s'il le faut, car j'ai bien compris que nous n'avons qu'une vie, tous, et qu'il ne sert à rien de s'oublier, de se négliger, de se rendre malade pour la vie d'un autre. Le jour où la mort viendra vous cherchez, vous comprendrez que j'ai raison, car rien que vous ne puissiez faire ne peut ôter ce fardeau que nous portons. Au mieux, vous l'allégez par votre présence essentiellement, juste elle, mais ne pouvez guère faire plus.

C'est plus fort que moi, je pense à mon cancer, à  mes tumeurs, celles qui grossissent, les nouvelles qui arriveront inéluctablement, inévitablement, qui me diminueront forcément, un peu plus encore. J’attends également avec une certaine inquiétude l'appel du professeur que j'ai rencontré vendredi dernier. A quelle heure va-t-il appeler ? Quel sera le verdict ? Si radiothérapie il y a encore, quand auront lieu les séances ? Bref, j'ai l'esprit bien encombré par cette histoire, surtout sur l’opportunité d'essayer de m'installer à Paris en conséquence tant, je ne peux qu'en prendre acte, je ne me fais plus à son rythme et à ses nuisances sonores.

Il est à présent 19H00, je suis de retour dans mon quartier, mais dans les coins où je ne connais personne, ne fréquente pas les brasseries, et donc là où je suis sûr d'avoir la paix, de ne pas être dérangé par qui que ce soit. Effectivement, je n'ai envie de rencontrer personne aujourd'hui, exactement comme cela se passe depuis l'année à Rennes et, à présent, à Belfort. J'ai envie d'être incognito, de me rendre invisible, passer inaperçu, bien assis au fond des terrasses de cafés, seul dans mon petit monde mental, monde affectif, monde non réellement partageable avec quiconque dorénavant. Pour autant, le coin n'est pas calme, là-aussi le voitures circulent en nombre et ce n'est que vers 20H30 que cela se calmera, une fois tout le monde rentré du travail. Je ne sais pourquoi, mais j'ai comme envie de pleurer. Est-ce l'effet de l'antidépresseur que je diminue et que j'arrêterai définitivement en fin de semaine ? Est-ce l'effet de me retrouver ici, à Paris, qui plus est dans ce quartier où j'ai vécu pratiquement toute ma vie, ville et quartier qu'il a fallu que je quitte définitivement pour commencer à respirer, à me sentir vivre, quelques soient les divers villes que j'ai habité avec Cynthia ? Car pour moi, même si c'est parce que ma santé, ma vie qui est en jeux, cela raisonne comme un échec. A la limite, plus que de savoir que bientôt je vais mourir, c'est lelieu où cela risque de se dérouler qui me déçoit. Oui, j'aimerai mourir loin de tout ce que j'ai toujours connu, donc loin des métropoles, y compris Lyon qui est pourtant la ville où j'ai recommencé à vivre en rencontrant Cynthia. Enfin, la vie, la mort, je ne sais plus trop quoi en penser, s'il vaut la peine de s'attarder sur ces sujets à présent, car dès que j'y pense, je ne vois que les inepties du monde que nous avons créé, des règles et des valeurs, le plus souvent bidons lorsque l'on se penche sérieusement dessus, qui régissent nos comportements, qui conditionnent comme l'on conditionne les pigeons voyageurs, à coup de récompense ou de punition, nos attitudes, nos formes de pensée, car il est bien évident que rien de tout cela n'est inné chez l'être  humain. Nous naissons le cerveau vide de toute idée, de tout pré-conçus, de toute à-priori, et c'est bien notre environnement qui nous construit, qu'il s'agisse des êtres et de leur idée, convictions, ou des conditions matérielles dans lesquelles nous grandissons. Mais bon, je me répète en étalant ma conception, ma perception de nos sociétés, que ces dernières soient occidentales, orientales, africaines ou asiatiques. Les paradigmes changent d'une civilisation à l'autre, certes, mais tout ce qu'elle propose à leurs bambins, c'est du bourrage de crâne essentiellement et, lorsqu'on a prit l'habitude de penser d'une certaine façon, avec certaines valeurs, que l'on soit plus tard pour ou contre, c'est bien en fonction d'elles que nous réagissons, comme si elles étaient irrémédiablement les tables de la loi, incassables, toujours en arrière-fond, quand bien même nous voudrions les détruire. Ayant été conditionne avec ces tables, à commencer par nos parents puis l'école, les médias, etc, comment s'étonner que nous ne sommes pas capables, du moins jusqu'à un certain âge, de concevoir qu'il existe d'autres tables, pas forcément pires ou meilleures, mais qui peuvent être radicalement différentes, nous démontrant ainsi que la vérité, la réalité, n'est pas forcément là où nous le croyons et que nous devrions faire attention à pas mal de nos convictions. D'ailleurs, toujours dans ma vision des choses, la réalité n'existe pas, du moins la vraie réalité, car si tel était le cas, nous saurions ce qu'est la mort par exemple. Cette méconnaissance n'est pas la moindre, quoi que nous fabulions les uns et les autres, sur la mort du vivant ou sur l'irruption du vivant, irruption qui est également un mystère. Certes, nous pouvons assister en direct à la naissance du vivant, mais nous ne sommes pas pour autant capables d'expliquer le pourquoi de l'émergence d'existences éphémères. Voici ce que nous sommes, tel des papillons, nous sommes des chenilles qui, lorsque nous serons mort, seront aussi différents que la chenille l'est du papillon, c'est plus que clair. Ainsi, du fait de ne pas savoir comment la vie sort du néant pour mieux sembler y retourner par la suite, nous ne pouvons pas savoir pas ce qu'est la réalité, même si à travers le langage il nous semble être d'accord sur certaines choses, certaines définitions, nous donnant l'illusion que nous voyons bien et vivons bien dans le même monde, tout cela n'est que leurre. Pas deux individus ne conçoivent la réalité de la même façon, aussi nombreux soient leurs points de convergences sur l'appréciation de tel ou tel chose. Pourtant, même si cela est mon intime conviction, que tous nous sommes dans l'erreur, que je devrai tout faire pour me déprogrammer, ôter mes convictions et ne me contenter que de croyances, d'hypothèses, rien n'y fait, certaines résistent, elles sont comme les fondations de ce que je suis. Par exemple, parce que j'ai toujours vécu à Paris, le mode de vie de cette ville est ma norme, je m'en rend bien compte, et où que je sois en France ou sur la planète, c'est ma référence et peu importe que j'apprécie ou non cette ville, c'est tout de même par rapport elle que je compare tous les autres lieux, que je les évalue, évaluation totalement arbitraire, mais il m'est impossible de me défaire de ce socle de ma personnalité qui fait que ma perception de la réalité ne peux qu'être différente d'un provincial, voire même tout simplement d'un habitant d'un autre quartier parisien.

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