samedi 10 octobre 2015

La vie continue

9 octobre 2015


Dehors depuis 11H00, il est à présent 15H30, je suis dans le centre de Paris, Aux Halles exactement, et rien ne m'inspire. Non je remarque depuis mon arrivée que plus aucun endroit ne m'inspire, ne m'aspire. Dire que je m'ennuie ne serait pas loin de la vérité, mais rester à ne rien faire ne me dérange pas non plus.

Parce qu'il fait frais à l'ombre, je suis installé au soleil et, si j'étais à la plage, je ferai une sieste. Tout cela pour vous dire que mon environnement ne m'incite pas à être actif, loin de là. D’ailleurs, si je m'écoutais réellement, je rentrerai chez moi faire une bonne sieste. C'est peut-être ce que je vais faire...

Depuis tout à l'heure, je suis dans la question que le médecin qui s'occupe de la mère de Cynthia a posé à toute sa famille. Si elle fait un arrêt cardiaque ou une suffocation, faudra-t-il la réanimer ou non ? Son père ne veut pas se prononcer, Cynthia est contre l’acharnement thérapeutique. Personnellement je partage le même point de vue qu'elle et, lorsque viendra mon tour, je veux qu'une décision similaire soit prise, je ne veux pas de réanimation, je ne me veux pas que l'on me réveille ou que l'on me fasse survivre si mon corps en a décidé autrement.

A présent il est 19H30, je suis de retour dans mon quartier, « A l'affiche » avec Tony depuis un peu plus d'une heure. Nous venons juste de nous quitter et, pour la première fois depuis mon arrivée à Paris, nous avons eu une conversion profonde, notamment sur nous trajectoires respectives et sur le rôle, l'importance ou non des parents, à partir de quand l'on peut considérer quelqu'un comme adulte, etc. Sur le rôle que je juge essentiel de notre environnement, nous n'étions pas d'accord. Lui estime qu'il arrive un jour où nous devons nous prendre en main et, à partir de là, nous sommes responsables de tout ce qui nous arrive, notre environnement n'étant que quantité négligeable.

Là, maintenant que ma tête est un peu plus réveillé, j'ai envie de m'attarder sur moi et ma maladie, mais sur quel point, que angle ?


10 octobre 2015

Aujourd'hui je me suis levé à 17H00. A présent il est 21H00, Tony vient de m'inviter à dîner et est rentré chez lui maintenant. Je ne suis pas réveillé, vraiment pas, et je pense que je ne vais pas tarder à aller me recoucher. Rien ne m'inspire, vraiment pas, hormis de me savoir à l'air libre, non enfermé entre quatre murs. Cependant, le bruit sonore parisien ne me permet pas de poser mon esprit, de réfléchir tranquillement, calmement. Aussi je regarde les voitures passer, quelques piétons marcher, et sens la fatigue toujours présente en moi.

Constatant à quel point je peux dormir, je m'interroge sur l'évolution de mes tumeurs. D'une part je me dis que le fait d'être suivi à Paris n'accélère pas le processus de soin et, d'autre part, que pendant ce temps mes tumeurs continuent à grossir, appuyant certainement sur des aires ou créant un dysfonctionnement sur les fonctions qui régulent le sommeil.

En ce moment, chaque soir je m'endors avec un documentaire en fond sonore, un documentaire anthropologique sur la naissance et l'évolution de notre espèce. Je les écoute tel que je regarde les gens autour de moi, qui qu'ils soient, comme ne me sentant plus concerné, comme appartenant à un monde complètement distincte, celui du passage, de la transition, de l’éphémère où je n'ai fait que transmettre le témoin en participant à la naissance d'un enfant et, ceci fait, mon utilité dans l'existence est ainsi close. C'est comme si, ayant fait ce pourquoi j'ai été moi-même fait, bien au-delà de la volonté de mes seuls parents, à savoir faire perdurer notre espèce à travers la reproduction, il n'y avait plus rien d'essentiel. Peut-être que si je participais activement à l'éducation de ma fille, à sa survie jusqu'à ce qu'elle soit autonome, je verrai les choses différemment, peut-être, mais en l'état je ne me sens plus participer de l'histoire de quiconque, ne le désire même plus, me sens en dehors des choses, comme absent de notre monde, sans plus de responsabilités quelconques, n'en voulant plus d'ailleurs, et attendant que le destin qui en a décidé ainsi en ce qui me concerne m'emporte une bonne fois pour toute dans la mort. Ainsi, en écoutant chaque documentaire le soir pour m'endormir, je me sens faire partie d'un grand tout, un misérable bout de la chaîne de l'évolution de notre espèce, c'est à dire rien ou presque, l’ego disparaît complètement ou presque, ce qui me permet de ne plus me sentir concerné par quelqu'un ou quelque chose en particulier, tout m'apparaissant, au final, insignifiant. Cet un état d'esprit étrange, état que je découvre un peu plus chaque jour, plus profondément, et aujourd'hui je sais que je pourrai vivre en ermite, c'est à dire sans plus de relation avec quiconque, ce qui aurait été impensable auparavant.

Cynthia pense que parce que plus grand chose ne m’intéresse, parce que je n'ai  plus envie d'échanger, je suis triste ou morose. De même, elle pense que l'approche la mort m'attriste également. Certes, cela m'a traversé une ou deux fois, mais c'est vite repartit. Non, je ne suis ni triste ni déprimé, raison pour laquelle j'ai arrêté de prendre mon antidépresseur, j'ai tout simplement accepté la plate réalité, que nous ne sommes là que pour un laps de temps, peu importe pour combien de temps, car le temps ne compte que pour les vivants, pas pour ceux qui sont morts ou qui sont certains de leur mort proche, tel que c'est mon cas. Donc j'essaye de profiter pleinement de chaque jour, évite de ressentir l'ennui, ce qui ne m'est guère difficile, il me suffit de marcher un peu, de changer de café et le tour est joué. Je ne pas ce que Cynthia s'imagine de ce qui se passe dans ma tête, de ce que j'en éprouve, mais je pense qu'elle est complètement à côté de la plaque, comme tous mes proches, à l'exception de Tony qui connaît cette expérience qui est mienne à présent. Oui, je deviens de plus en plus impassible envers le monde dans sa globalité, envers l'existence, quoi qu'il s'y passe, y compris au sujet de ma fille qui, même si elle ne le réalise pas et l'a moins encore assimilé, intégré, n'est là que pour durée plus qu'éphémère, une goutte d'eau dans l'océan, et dont les histoires et sa construction m'intéressent de moins en moins. Se construire une identité, asseoir sa place dans cette société, toute chose qui ne me parle plus, que je trouve à présent ridicule au possible, cela demandant des efforts non négligeables, mais pour quoi au bout du compte ? Elle le découvrira, comme vous tous d'ailleurs, lorsqu'elle se saura dans la dernière ligne droite, lorsqu'elle sentira charnellement la vie, l'énergie, quitter petit-à-petit son corps, comme un sceau plein d'eau qui se renverse progressivement, plus ou moins rapidement selon l'inclination qu'il a.

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