samedi 3 octobre 2015

Malade à Paris

3 octobre 2015


Depuis tout à l'heure, depuis hier même, j'essaye de me mettre en condition d’écrire, mais le bruir omniprésent dans mon quartier, voire dans Paris où que j'aille depuis mon arrivée, m'empêche de me concentrer et m'épuise, le mot n'est pas trop fort. A l’infant je viens de faire une crise d'épilepsie  partielle et je me dis que ce n'est pas le simple fait du hasard. Je pensais tout faire pour m'installer à Paris, mais j'avoue que je reviens sur mes positions. Je crois que je n’arriverai à plus à tenir dans une ville comme celle-là, et même durant mes soins, si soins il y a, je le saurai mardi prochain à présent, s'ils durent trop longtemps, le séjour sera difficile.

Donc hier, à l'autre bout de Paris, j'ai été à mon rendez-vous avec le professeur chef de service du service radiothérapie de l'hôpital La Pitié-Salpêtrière. A ma sortie, je n'ai toujours pas compris s'il allait me prendre en charge ou que je sois en France. Il a regardé mes derniers IRM, le Spectro IRM, l'entretien à duré une bonne heure, et selon lui la plus grosse tumeur est toujours une tumeur cancéreuse, qui grossit, et la solution est de l'irradiée à nouveau, à trois reprises. Quoi qu'il en soit, il doit s'entretenir avec ses collègues mardi, et selon qu'ils pensent comme lui, j'aurai ces séances, et si une majorité pense que c'est une radionécrose, alors il faudra que je passe plus souvent des IRM afin d'en surveiller l'évolution. Quand je lui ai dit que s'il m'irradiait à nouveau une tumeur déjà irradié, j'avais toujours entendu dire que cela ne servait à rien, il a éludé la question. Il m'a simplement dit que dans cet hôpital c'est ainsi que cela se passait. Cependant, pas un fois il n'a mis sur la table le choix de la neurochirurgie. Ma mère était présente avec moi à cet entretien et je me suis aperçu lorsque nous avons quitté le professeur qu'elle n'avait rien compris aux alternatives qu'il me proposait. Je lui ai donc réexpliqué, mais a-t-elle bien compris pour autant ? Quoi qu'il en soit, je suis maintenant dans l'attente de mardi, le 6 octobre est imprimé dans ma tête, ils doivent m'appeler, et je me demande à quelle sauce je vais être mangé.

J'ai quitté mon quartier pour me rendre dans l'une des rares rues piétonnes de la capitale, la rue Daguerre, situé dans le quatorzième arrondissement de Paris, près de place Denfert-Rochereau et à deux mètres des catacombes. Donc, certes je n'entends plus les bruits de moteurs, mais la rue est pris d'assaut par les piétons, cette rue commerçante où les brasseries ne manquent pas, et au final ce n'est guère beaucoup mieux pour ma tête. Pensant à ma tête, je pense donc à ma maladie, mais à cause du brouhaha des uns et des autres, des conversations qui s'entrecroisent, je ne peux véritablement me concentrer sur moi-même. Cela me manque, car j'aime régulièrement faire le point sur mon intérieur plutôt que sur les contours de l'extérieur, les décors, des choses  toutes aussi superficielles que ma propre personne si on y pense bien. Oui, j'en ai marre de cette histoire d’éventuelles radionécroses ou de tumeurs cancéreuses qui grossiraient, histoire qui dure depuis plus d'un mois et dont je ne vois pas la fin. Quelle sera l'issue, et la suite ? De nouvelles métastases à venir, quelque soit le sort de celles que j'ai déjà. Comme me l'a dit le professeur, mon cas n'est pas des plus simples. Mais existe-t-il un cancer simple ? Non, je ne le crois pas, mais il y en a qui sont plus handicapant que d'autres, cela est certain.

J'ai quitté très rapidement la rue Daguerre, car à côté de ma table se trouvait un vrai couple de pipelettes, et ça jacassait et çà jacassait, de plus en parlant fort comme si elles voulaient être entendue par la rue entière. Bref, pire que les voitures. Du coup je suis dans un café situé dans une grande artère parisienne, mais du fait de l'heure, il est 20H00, la terrasse est calme et les voitures plus discrètes qu'à mon arrivée dans ce quartier. Après je prendrai un bus qui m'emmènera directement dans mon quartier et, peut-être, prendrais-je un dernier café là-bas, juste avant de rentrer me coucher. Cependant, en regardant les gens passés ou assis à un café, je réalise à quel point Paris est un monde à part, un monde qui n'a rien à voir de ce que je connais de la France. Je pense qu'un parisien ne peut être sage, au sens philosophique du terme, ou en tous cas son immense majorité. Tout est fait dans la précipitation, ou tout au moins le temps est compté, et dans ce vacarme et cette agitation infinie, où voulez-vous avoir le sentiment de vous poser pour faire le point sur quoi que ce soit ? Du coup, j'envisage de m’acheter un baladeur, de rentrer dans mon monde musical afin de faire un vrai break avec le bruit ambiant. Il est vrai que l'on voit rarement sur un visage si une personne est ce que j'appelle réellement malade, mais dans les villes moyennes, à plus forte raison petites, il est des comportements, des attitudes, des essoufflements, qui indiquent cela. Dans ces villes cela se remarque, car les habitants sont dans un rythme que je qualifierai de normal et ils ont le temps de s'attarder malgré eux sur les personnes. A Paris, comme dans toutes les métropoles, tout cela vole en l'air. Là, on se regarde uniquement pour s'éviter, on à guère plus le temps de voir autre chose. Alors je me dis depuis aujourd'hui que je suis un mourant dans tout ce fatras, ce fatras qui n'a que de l'élan à revendre, de l'énergie, des projets, mais certainement pas des personnes à observer, à essayer de comprendre, c'est d'ailleurs pour cette raison que peu se connaissent, que peu se comprennent eux-mêmes et, par là-même, interprètent souvent maladroitement l'autre, confondant tel projet d'un individu avec son tempérament, sa réalité intérieur qu'il méconnaît peut-être lui-même également, il fait l'amalgame entre désir, souhait, envie, et personnalité. Cette erreur d'appréciation, je l'ai évidement faite toute ma jeunesse et même après, et à Paris, c'est monnaie-courante. Bref, depuis que je suis ici, tellement c'est un autre monde que j'avais oublié, j'en suis à me demandé si j'ai bien le cancer, si c'est une maladie si grave, car dans son émulation tout semble éphémère à Paris, voué à disparaître rapidement, nous y compris, il n'y aurait rien de surprenant ni de tragique. Quelque part, cette situation me fait relativiser ma précarité, non l'oublier, cela je n'y arrive plus, mais la relativiser. Contrairement aux endroits où j'ai vécu depuis novembre 2013, découverte de mon cancer, ici, la vie ne me semble plus aussi importante. Pour un peu, je serai prêt à retourner à Belfort, ne plus me faire soigner, et partir de ma mort naturelle tellement je n'ai pas confiance dans l’efficacité des médecins delà-bas, et ainsi, plus tôt se sera fini, plutôt ce sera la paix définitive, tôt ou tard, pour tous mes proches et moi-même. Comme quoi, selon l’environnement et le comportement de ceux qui nous entourent, il y a manière et manière de vivre sa maladie. Je ne sais ce qui est le pire ou le mieux, se sentir ou s'éprouver périr, ou ne pas pouvoir le faire, en avoir conscience, parce que l'environnement nous bouffe toute  notre attention, notre concentration, et le peu d'énergie que nous avons. Oui, je ne sais quel est le meilleur choix, mais encore faut-il avoir le choix, ce qui est loin d'être le cas de la majorité. Le mien, vous l'aurez certainement compris, serait celui du silence propice à une certaine forme de méditation, à celui des réflexions philosophiques, donc loin des grandes villes. Oui, je veux assister en spectateur les yeux ouverts le plus longtemps possible à mes derniers mois ou dernières années, éprouver et avoir conscience de la manière dont je me vivrai, de la manière dont je percevrai la vie et l'existence, car je sais qu'inéluctablement j'ouvrirai encore les yeux sur des choses que je n'ai pas encore vu. Ces choses, seront-elles apaisantes ? M'aideront-elles à mieux aborder ma fin, à moins l'appréhender ? Quoi qu'il en soit, si le programme de ma mort se déroule selon le plan des médecins, perdant conscience petit à petit, je ne pourrai rien appréhender, je n'en aurait plus les capacités. Cependant, même si quitter ce monde ne me dérange pas plus que ça dans l'idée, c'est la peur que j'ai d'avoir peur d'ici-là, peur dans le sens de panique, peur de sentir la mort m'envahir. Pourtant, et ma raison me le rappelle régulièrement, depuis deux ans je me sens périr, lentement mais sûrement, les symptômes physiques et psychiques sont bel et bien là, magistralement, et pourtant nulle apocalypse inattendue ne s'est présentée sur mon chemin, hormis le déroulement, l'évolution classique de ce qui se passe dans mon cerveau, l'apparition régulière de métastases et leurs conséquences. Aussi, je me demande ce que je peux appréhender à ce point, à part la peur de l'inconnu, les derniers moments, instants, voire minute, tant que ma conscience sera là pour le vivre.

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